La nageuse syrienne Yusra Mardini fait partie des 43 athlètes réfugiés pré-sélectionnés pour participer aux Jeux olympiques de Rio. © Mirko Seifert
La nageuse syrienne Yusra Mardini fait partie des 43 athlètes réfugiés pré-sélectionnés pour participer aux Jeux olympiques de Rio. © Mirko Seifert

Jeux olympiques Une sirène à Rio

Par Julie Jeannet - Article paru dans le supplément AGIR, Juin 2016
Pour la première fois de l’histoire, une équipe constituée de réfugiés participera aux Jeux olympiques de Rio. 43 athlètes ont été pré-sélectionnés. Parmi eux, la nageuse syrienne Yusra Mardini fait déjà sensation. Déterminée, la Damascène de 18 ans compte prouver au monde que les réfugiés aussi peuvent réaliser leurs rêves.

L’air est encore frais en ce petit matin de mars. A peine sortie du lit, Yusra Mardini se dirige d’un pas déterminé vers la piscine d’Olympia Park à Berlin, le complexe construit pour accueillir les Jeux Olympiques de 1936. Pas une seconde à perdre, la jeune femme enfile son maillot de bain, enfouit ses longs cheveux noirs dans un bonnet en silicone et saisi ses lunettes de natation. Après quelques étirements et une profonde respiration, elle s’élance depuis le plongeoir. Son corps glisse dans l’eau, sa technique du papillon est élégante, elle s’abandonne dans le bleu intense du bassin.

La natation lui a sauvé la vie. En août dernier, Yusra Mardini venait d’embarquer avec sa sœur aînée Sarah sur un bateau pneumatique surpeuplé depuis Izmir en Turquie, lorsque le moteur s’est soudainement arrêté. La frêle embarcation menaçant de chavirer, Yusra, Sarah, et trois autres personnes se sont alors jetées à l’eau et ont poussé pendant plus de trois heures le bateau jusqu’à l’île de Lesbos, en Grèce. «Je me suis dit que j’étais une nageuse, que c’était trop bête que je meure en mer», explique la jeune femme. Les deux sœurs ont ensuite continué leur périple par la Macédoine, la Serbie, la Hongrie et l’Autriche, avant d’arriver dans la capitale allemande, où elles ont déposé une demande d’asile.

Yusra et Sarah s’entrainaient tous les jours à Damas, lorsque le conflit a éclaté. La cadette a même représenté la Syrie en 2012, lors des Championnats du monde de natation en Turquie. «Avec la guerre, il est devenu de plus en plus difficile d’aller nager, parfois, il y avait des bombes à la piscine», raconte-t-elle. À Berlin, c’est un interprète égyptien qui les a accompagné pour la première fois au Club de natation Wasserfreunde Spandau 04, à proximité du centre de réfugié·e·s où elles sont hébergées. L’entraîneur Sven Spannekrebs, a remarqué sa technique et son professionnalisme et a rapidement pris Yusra sous son aile. Elle bénéficie aujourd’hui d’une bourse d’Olympic Solidarity, afin de l’aider à se qualifier pour les JO de Rio. Parmi les autres pré-sélectionné·e·s figurent également Raheleh Asemani, taekwondoïste iranienne réfugiée en Belgique et le judoka congolais réfugié au Brésil, Popole Misenga.

Jeans serrés, baskets de marque blanches, Yusra est à l’aise devant les journalistes. Lorsqu’elle parle des jeux, ses grands yeux bruns s’illuminent. «J’aimerais que tous les réfugiés soient fiers de moi, je veux leur montrer que malgré les difficultés, nous pouvons atteindre nos rêves», raconte-t-elle lors d’une conférence de presse à Berlin. C’est sur le 200 mètres nage libre que Yusra Mardini a le plus de chance de se qualifier, mais pour atteindre cet objectif, elle doit encore gagner 7 secondes. Elle devra donc redoubler d’efforts car l’équipe de réfugié·e·s ne sera constituée que de cinq à dix athlètes. La sirène de Damas a la tête dure, si elle échoue à Rio, elle visera Tokyo en 2020. « J’essaierai encore et encore et encore jusqu’à atteindre mon objectif. Je veux montrer à chacun qu’il n’est pas impossible de réaliser ses rêves.»