La vie sous Pinochet: «Tout ce qu'on entendait, c'étaient les cloches des églises et des gens qui criaient.» © Mario Irarrazabal
La vie sous Pinochet: «Tout ce qu'on entendait, c'étaient les cloches des églises et des gens qui criaient.» © Mario Irarrazabal

Chili En finir avec l'impunité quarante ans après le coup d'État d'Augusto Pinochet

Des milliers de personnes ayant été torturées et des proches de ceux qui ont « disparu » sous le régime brutal du général Augusto Pinochet continuent à attendre d'obtenir vérité, justice et réparation, a déclaré Amnesty International mardi 10 septembre, un jour avant le 40e anniversaire de la date où il s'est arrogé le pouvoir au Chili.

«Il est inacceptable qu'il subsiste des obstacles à la quête de justice, de vérité et de réparation des victimes au Chili, 40 ans après ce coup militaire. Une loi d'amnistie continue à mettre les responsables présumés d'atteintes aux droits humains à l'abri des poursuites, tandis que les procédures judiciaires enregistrent toujours d'importants retards et que les condamnations prononcées ne reflètent pas la gravité des crimes commis», a souligné Guadalupe Marengo, directrice adjointe du programme Amériques d'Amnesty International.

Selon des chiffres officiels, près de 40 000 personnes ont été victimes d'une détention illégale ou de la torture au Chili entre 1973 et 1990. Plus de 3 000 personnes ont été tuées ou ont disparu.

Le décret-loi d'amnistie, adopté en 1978, exonère de leur responsabilité pénale l'ensemble des individus accusés d'avoir commis des violations des droits humains entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1978. Si certaines décisions de justice ont contourné l'application de ce texte, son maintien en vigueur est incompatible avec les obligations du Chili en matière de droits humains aux termes du droit international.

«Les autorités chiliennes doivent s'attaquer aux conséquences des violations graves et systématiques du passé et abroger immédiatement la loi d'amnistie, car sa simple existence est un affront aux milliers de victimes du régime du général Pinochet et aux familles de celles-ci», a indiqué Ana Piquer, directrice de la section chilienne d'Amnesty International.

À ce jour, au moins 262 personnes ont été condamnées pour des violations des droits humains, et plus de 1 100 procédures judiciaires sont en cours. «C'est principalement grâce au combat sans relâche d'un grand nombre de victimes et de leurs familles, et d'une poignée de procureurs et de juges courageux, que quelques-uns des responsables de ces crimes ont été traduits en justice. Il est temps pour les autorités d'introduire toutes les réformes requises afin de garantir que ces graves violations ne se reproduisent plus jamais», a ajouté Guadalupe Marengo.


Complément d'information

Le 11 septembre 1973, les forces armées menées par le général Augusto Pinochet ont renversé le gouvernement du président élu Salvador Allende au Chili par un coup d'État qui s'est terminé dans un bain de sang.

Ces dernières années, les tribunaux n'ont pas appliqué la loi d'amnistie. Son maintien dans le droit est incompatible avec les obligations internationales du Chili en matière de droits humains.

En 2004 et 2005, la Commission nationale sur l'emprisonnement politique et la torture (Commission Valech) a déterminé que 28 459 personnes avaient été arrêtées pour des motifs politiques et que la plupart avaient été victimes de torture. Cette commission a été rétablie en 2010 afin d'examiner d'autres affaires de disparition forcée, d'homicide politique, d'emprisonnement politique et de torture.

Le nombre de personnes officiellement reconnues comme victimes de «disparition» ou de meurtre politique entre 1973 et 1990 au Chili dépasse 3000. Celui de victimes d’une détention illégale ou de la torture pendant la même période est d’environ 40 000.

Des avancées positives ont été observées ces dernières années, avec le transfert devant des tribunaux pour civils de certaines procédures relatives aux crimes commis par l'armée, le but étant de garantir plus d'indépendance et d'impartialité. Les tribunaux militaires continuent cependant à juger des violations des droits humains perpétrées par l'armée et les forces de sécurité.

Amnesty International exhorte les autorités chiliennes à: abroger le décret-loi d'amnistie de 1978 ainsi que toute autre mesure octroyant une grâce aux auteurs présumés de violations des droits humains ; réformer le code de justice militaire afin de garantir que les atteintes aux droits humains perpétrées par le personnel militaire et les forces de sécurité au Chili donnent lieu à des enquêtes et à des procédures devant des tribunaux pour civils; soutenir et renforcer les initiatives visant à préserver le souvenir historique de ces violations graves des droits humains et faire du respect de ces droits une composante essentielle de l'ensemble des politiques et des programmes.

Un document contenant les principaux faits et chiffres en lien avec les crimes commis par le régime du général Pinochet est disponible en pièce jointe.

Communiqué de presse publié le 10 septembre 2013, Londres, Lausanne.
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