Des survivantes de violences sexuelles, formant un cercle avec leurs mains, mars 2011
© Corporación Sisma Mujer
Des millions de femmes, d’hommes et d’enfants ont été victimes d’un déplacement forcé, d'une exécution extrajudiciaire, de torture, de viol, d’une privation de liberté ou d’une disparition forcée au cours du conflit que connaît la Colombie depuis 45 ans. Amnesty International estime qu’au cours des 25 dernières années, entre 3 et 5 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur de la Colombie.
Les autorités colombiennes ne se sont toujours pas attaquées au déni de justice dont sont victimes les femmes et filles se trouvant au milieu du conflit armé faisant rage dans le pays depuis des décennies.
Violence sexuelle et impunité
Le rapport d’Amnesty International, intitulé ce que nous exigeons, c'est la justice montre combien les droits des victimes de violences sexuelles à la vérité, la justice et des réparations continuent à être bafoués par les autorités.
L’absence de statistiques officielles fiables et les craintes dissuadant les victimes de signaler ces crimes rendent très compliquée l’évaluation de la véritable ampleur du problème. Les statistiques disponibles n’indiquent pas clairement quels cas de violences sexuelles contre des femmes et des jeunes filles sont susceptibles de relever du conflit.
Femmes qui vivent dans la pauvreté particulièrement visées
En Colombie, les forces de sécurité, les paramilitaires et les groupes de guérilla s’en sont tous pris à des femmes et des jeunes filles dans le but d’en faire des esclaves sexuelles et de se venger de leurs adversaires.
Ce recours à la violence sexuelle sème la terreur parmi certaines populations et force des familles entières à quitter leur foyer, permettant ainsi l’accaparation de certains terrains.
Les femmes et jeunes filles issues des populations indigènes et d’ascendance africaine ou de communautés paysannes, celles qui ont été déplacées de force par les combats et celles qui vivent dans la pauvreté sont tout particulièrement exposées aux violences sexuelles. Les défenseurs des droits des femmes et leur famille sont eux aussi particulièrement visés par les menaces et les manœuvres d'intimidation.
Des mesures inefficaces
Carolina (le prénom a été changé) était responsable communautaire dans une ville du département de Caldas (nord-ouest de la Colombie). Lorsque son fils a été violé en 2007 par un garçon ayant des liens avec les paramilitaires, elle a signalé cette agression aux autorités.
Des membres du groupe paramilitaire ont essayé de la contraindre à retirer sa plainte. Lorsqu’elle a refusé, ils l’ont menacée et l’ont forcée à les regarder mutiler une de leurs victimes. En mai 2007, Carolina a été enlevée et violée par huit paramilitaires. Elle a par la suite découvert qu’elle était enceinte, résultat de ces viols. Lorsque le commandant des paramilitaires a appris cela, il a ordonné à ses hommes de la rouer de coups; elle a perdu le bébé.
En juin 2007, le programme de protection du parquet général l’a relogée dans une autre ville. Comme les menaces ont continué, elle a finalement été réinstallée ailleurs. Elle a bénéficié du programme de protection pendant un an, mais ce n’est désormais plus le cas.
L'enquête sur son cas s’est poursuivie dans le département de Caldas et le parquet a appelé Carolina à témoigner dans la ville où le crime a eu lieu et où ses agresseurs vivaient toujours.
En septembre 2008, et sous la pression d’organisations non gouvernementales de défense des femmes, son dossier a été transmis à l’unité Droits humains du parquet général à Bogotá. Cette unité n’a cependant jamais demandé à Carolina de témoigner.
En août 2010, le procureur a été écarté de cette affaire. Le nouveau procureur aurait seulement récemment commencé à réexaminer le cas de Carolina.
Le gouvernement doit agir
Amnesty International a demandé aux autorités colombiennes d'élaborer une stratégie globale - en consultation avec les organisations locales - afin de veiller à ce que les actes de violence commis contre des femmes dans le cadre du conflit donnent lieu à une action de prévention, des enquêtes et des poursuites dignes de ce nom, et à ce que les victimes se voient proposer des recours.
«Les autorités colombiennes doivent prendre des mesures énergiques afin que les responsables présumés de violences sexuelles, dont beaucoup constituent soit des crimes de guerre soit des crimes contre l’humanité, soient traduits en justice. Si l’inaction des autorités continue, la Cour pénale internationale doit intervenir», déclare Susan Lee, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.
A télécharger
Vous trouvez le rapport This is what we demand. Justice! en anglais et en espagnol ci-joint