Le début des pourparlers de paix officiels entre le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) laissait penser que le conflit avec ce groupe armé pourrait prendre fin après presque 50 ans d'hostilités. Cependant, une paix stable ne pourra pas être obtenue tant que les deux parties au conflit ne mettront pas un terme définitif aux atteintes aux droits humains et au droit international humanitaire. Les responsables de ces abus et violations doivent en outre être traduits en justice devant des tribunaux civils.
Malgré les pourparlers de paix, les parties au conflit – les forces de sécurité, qui agissent seules ou en collusion avec les paramilitaires, et les mouvements de guérilla – continuent de commettre de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire, notamment des homicides illégaux, des déplacements forcés, des tortures, des enlèvements ou des disparitions forcées et des violences sexuelles.
Les civils, en particulier les membres des populations autochtones, les Afro-descendants et les communautés paysannes, les défenseurs des droits humains, les dirigeants de communauté et les syndicalistes continuent de subir les conséquences du conflit armé.
Les progrès récents des tribunaux civils, qui ont traduit en justice au moins une partie des personnes responsables de ces abus et violations, en particulier dans plusieurs cas emblématiques pour les droits humains, sont susceptibles d'être stoppés par des législations récentes, et notamment par la réforme du système de justice militaire, qui aggravera l'impunité dans le pays.
La Loi relative aux victimes et à la restitution des terres a cependant le potentiel de faire une réelle différence pour au moins quelques-unes des millions de victimes d'atteintes aux droits humains. Cependant, les menaces et les assassinats visant ceux qui font campagne pour la restitution des terres ou qui cherchent à retourner sur leurs terres pourraient compromettre la mise en œuvre de cette loi.
Le rôle de la communauté internationale
La communauté internationale joue un rôle fondamental dans la résolution des violations graves des droits humains et de la crise humanitaire colombienne. Elle doit continuer à coopérer activement avec le gouvernement colombien. Si la communauté internationale doit évidemment saluer les mesures concrètes et efficaces prises sur des questions particulières, elle ne doit pas pour autant cesser de critiquer les autorités lorsque leurs réponses ne sont clairement pas satisfaisantes. On peut notamment penser au plein respect des recommandations répétées de la Haut-commissaire aux droits de l'homme, y compris sur les obligations de la Colombie de combattre efficacement la forte impunité touchant aux violations des droits humains et du droit international humanitaire.
Amnesty International appelle, lors de la 22e session, le Conseil des droits de l'homme ainsi que ses États membres et observateurs à :
- reconnaître que des violations des droits humains et du droit international humanitaire continuent d'être commises de manière généralisée par toutes les parties au conflit en Colombie ;
- exhorter toutes les parties au conflit à se conformer rapidement et pleinement aux recommandations de la Haut-commissaire aux droits de l'homme, y compris celles publiées dans tous ses rapports précédents, et à celles d'autres organes des Nations Unies, notamment la nécessité impérative de protéger efficacement les communautés et les groupes en danger, de lutter contre l'impunité, et de prendre des mesures pour démanteler les groupes paramilitaires et rompre les relations existant entre ces derniers et les forces de sécurité ;
- recommander la mise en œuvre complète des recommandations et engagements acceptés dans le cadre de l'EPU, en exigeant que des rapports réguliers soient soumis au Conseil sur la mise en œuvre de ces recommandations et engagements ;
- mettre en place un processus comportant des échéances et des jalons pour évaluer le respect de ces recommandations et engagements ;
- demander l'abrogation de la législation prévoyant l'élargissement de la compétence des tribunaux militaires, qui risque de rehausser les niveaux déjà élevés d'impunité, et insister pour que tous les responsables de violations des droits humains et autres abus soient traduits en justice ;
- exhorter le gouvernement et les FARC à veiller à ce que le respect des droits humains soit au cœur des pourparlers de paix et insister pour que les deux parties s'engagent de manière vérifiable à faire cesser toutes les atteintes aux droits humains et au droit international humanitaire.