Des enfants de la communauté de Paix San José de Apartadó, en Colombie. © DR
Des enfants de la communauté de Paix San José de Apartadó, en Colombie. © DR

Colombie Une communauté de paix sans cesse menacée

2 février 2013
«La paix est encore loin», affirme Jesús Emilio Tuberquia, l’un des responsables de la communauté de paix de San José de Apartadó, située dans le département d’Antioquia (nord de la Colombie). Plus de 1 500 paysans s’y sont réunis en 1997 pour mettre en place une communauté.

«Nous avons dit aux paramilitaires, aux membres de la guérilla et à l’armée que nous ne voulions pas être impliqués là-dedans. Que nous ne voulions rien avoir à faire avec aucun d’entre eux. Que nous ne voulions ni tuer, ni être tués.»

Leurs revendications n’ont malheureusement pas été entendues. Toutes les parties au conflit colombien ont fait la sourde oreille. Depuis la création de cette communauté, plus de 200 de ses membres ont été victimes d’homicides ou de disparitions forcées.

Victimes blâmées par l’ancien président

Ces graves atteintes aux droits humains sont principalement le fait des paramilitaires, agissant souvent avec la complicité des forces de sécurité. La communauté a également été prise pour cible par la guérilla et l’armée colombienne. Et cela continue.L’une des attaques les plus sanglantes subies par la communauté de San José de Apartadó a eu lieu en février 2005. Huit de ses membres, dont des enfants, ont été tués par des paramilitaires, avec la complicité des forces de sécurité.

Quelques jours après ce massacre, le président colombien de l’époque, Álvaro Uribe, l’a en quelque sorte justifié en affirmant que certains des membres de la communauté avaient des liens avec la guérilla.

«La déclaration de M. Uribe était une tentative flagrante de blâmer et de diffamer les victimes civiles du conflit armé», explique Marcelo Pollack, chercheur d’Amnesty International sur la Colombie.

Une paix qui se fait attendre

«Mais ce n’est pas le problème principal. La décision de la Cour enjoint au gouvernement de mettre en place un plan de protection pour la communauté. Ce plan n’a jamais été mis en œuvre», déclare Marcelo Pollack.

Lorsque nous avons demandé l’avis de Jesús Emilio Tuberquia sur les pourparlers de paix en cours à La Havane, la capitale cubaine, entre le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), le principal groupe de guérilla du pays, il n’a pas caché son scepticisme, ni son amertume : «Ils disent qu’ils parlent de paix, mais nous ne voyons pas la paix dans nos vies».

 

«Il y a sept ans, le gouvernement a déclaré que les groupes paramilitaires avaient été démantelés. Nous continuons pourtant de subir leurs violences quotidiennement. Ils continuent de nous tuer. Pourquoi devrions-nous croire un gouvernement qui nous a menti et continue de nous mentir encore et encore ?»

Impunité et injustice

«Les paramilitaires continuent de menacer la vie et les droits de personnes dans tout le pays : des syndicalistes, des chefs de file indigènes et paysans ou encore des personnes qui demandent la restitution de leur terre entre autres», a déclaré Marcelo Pollack.

Il souligne que la véritable paix doit aussi être synonyme de justice. Le problème, c’est qu’en Colombie, l’impunité pour des violations graves des droits humains est presque une loi non écrite. Si la paix peut sembler loin, la justice semble l’être encore plus.

«Les tentatives du gouvernement visant à renforcer le système de justice militaire et la promotion d’autres mesures juridiques pourraient conduire à une amnistie de fait pour les auteurs de violations massives des droits humains», explique Marcelo Pollack.

Pour Jesús Emilio Tuberquia et sa communauté, des questions subsistent quant à l’avenir de la Colombie. Mais une chose est certaine : la détermination de la communauté de San José de Apartadó ne s’estompera pas. Elle continuera à résister pacifiquement et à défendre son droit à vivre sans violence.