Cet accord s'accompagne d'assurances diplomatiques quant au bien-être des détenus, et de quelques mentions au sujet d’un suivi assuré par des organisations humanitaires non spécifiées; or, ces assurances sont en soi insuffisantes et inacceptables face au risque de torture et d’autres abus délibérés à l’égard des détenus.
Recours systématique à la torture
Dans les faits, la torture et les mauvais traitements infligés aux détenus restent un problème endémique, ainsi que le montre un rapport publié en mars 2012 par la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan, mettant à jour les conclusions des Nations unies à ce propos remontant à 2011.
Le transfert des détenus prendra six mois en tout. Il se fera sous l’égide du général Farooq Barkzai, nommé responsable du centre de détention de Bagram par le président Hamid Karzaï dimanche 1er avril 2012. Plus de 3 000 détenus se trouveraient toujours au centre de Bagram, à Parwan. La majorité d’entre eux sont afhgans.
Cette procédure a pour toile de fond le rapport des Nations unies publié le 10 octobre 2011, qui dénonçait le recours systématique à la torture dans les centres de détention afghans, où les détenus sont régulièrement frappés à coups de tuyau en plastique et menacés d’agressions sexuelles. Nombre de ceux qui sont été pris pour cibles étaient soupçonnés d’être des insurgés.
Système de détention sans jugement
Depuis près d’une décennie, Amnesty International fait état de sa préoccupation face à l’arbitraire du système de détention sans jugement mis en place par les États-Unis en Afghanistan. L'organisation a avancé que le système pénal ordinaire, sous réserve de réformes fondamentales, devrait être utilisé pour juger – et, le cas échéant, sanctionner – les personnes accusées d'avoir pris part à la violence armée en Afghanistan.
Des réformes fondamentales sont essentielles car le système de justice afghan continue à bafouer de manière flagrante les normes internationales d'équité des procès et ne garantit pas que les responsables présumés de crimes de droit international – en particulier ceux commis contre des civils – soient réellement traduits en justice.
«Le gouvernement afghan a par le passé échoué dans sa mission consistant à protéger de la torture et de mauvais traitements inhumains et dégradants les détenus placés sous sa responsabilité», a déploré Catherine Baber, directrice adjointe du programme Asie d’Amnesty International.
«L’agence afghane du renseignement, la Direction nationale de la sécurité, s’est illustrée en violant les droits fondamentaux de détenus accusés d’être affiliés aux talibans et, plus largement, aux insurgés d’Afghanistan, notamment en les soumettant à la torture.»
L'armée américaine met la vie des détenus en danger
Le fait que l’armée américaine ou toute autre force étrangère remette des détenus aux autorités afghanes en dépit des risques d’atteintes aux droits fondamentaux constitue en soi une violation spécifique des obligations de ces forces, aux termes du droit international humanitaire et en matière de droits humains.
«Aucun transfert de détenus ne doit avoir lieu jusqu’à ce qu’il soit établi que les autorités afghanes respectent véritablement certains critères en matière de droits humains, et ne se contentent pas seulement de le promettre.»
«Cet accord est d’autant plus préoccupant que les risques de torture sont spécifiques et réels. Tous les détenus, y compris ceux qui se trouvent aux mains de la Direction nationale de la sécurité, doivent pouvoir s’entretenir avec des avocats et leur famille, et bénéficier de soins médicaux lorsqu’ils en ont besoin», a ajouté Catherine Baber.
«Les gouvernements américains et afghans ont tous deux le devoir de s'assurer que les droits de l’ensemble des personnes détenues pour des raisons de sécurité sont réellement respectés dans la pratique, avant de conclure des accords concernant un transfert de pouvoir sur de quelconques prisons ou prisonniers.»