Le 21 août, la colonelle Denise Lind, juge militaire, a condamné la source de Wikileaks à une peine de 35 années d’emprisonnement – sur 90 années potentielles – dans un établissement carcéral militaire, pour avoir divulgué des volumes entiers d’informations confidentielles. Il a déjà passé plus de trois ans en détention provisoire, dont 11 mois dans des conditions décrites comme cruelles et inhumaines par le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture.
«Bradley Manning a agi avec la conviction qu’il pouvait provoquer un véritable débat public sur le coût de la guerre, et plus particulièrement sur le comportement de l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Ses révélations ont notamment porté sur des arrestations effectuées sur le champ de bataille et inclus des séquences vidéo inédites montrant des journalistes et d'autres civils perdre la vie dans le cadre d’attaques lancées par des hélicoptères américains, informations qui auraient de toute façon dû être soumises au droit de regard de l'opinion publique», a souligné Widney Brown, directrice générale chargée des questions relatives au droit international et à la stratégie politique pour Amnesty International.
«Au lieu de s’évertuer à le faire enfermer pour plusieurs décennies, le gouvernement américain devrait plutôt s’attacher à enquêter sur les graves violations des droits humains commises par ses représentants au nom de la lutte contre le terrorisme, et rendre justice.»
Certains des documents divulgués par Bradley Manning, rendus publics par Wikileaks, suggèrent que des soldats américains postés à l’étranger, des membres des forces irakiennes et afghanes en exercice aux côtés des troupes américaines, et des sociétés militaires privées ont peut-être enfreint et violé le droit international humanitaire. La juge a pourtant estimé avant même le procès que le soldat Manning ne pourrait pas assurer sa défense en produisant des éléments prouvant qu’il avait agi dans l’intérêt du public.
«Bradley Manning avait déjà plaidé coupable de la divulgation d’informations. Le fait que les États-Unis n'aient pas abandonné les poursuites engagées contre lui en vertu de la Loi relative à l’espionnage, allant jusqu’à l’inculper de «collusion avec l’ennemi», ne peut être interprété autrement que comme une sévère mise en garde à quiconque serait tenté de faire des révélations sur les actes répréhensibles du gouvernement», a ajouté Widney Brown.
«Ce cas montre avant tout qu’il est urgent de remanier la Loi américaine relative à l’espionnage, un texte dépassé, et de renforcer les dispositions protégeant les personnes qui révèlent des informations que le public a non seulement besoin mais également le droit de connaître.»
Les avocats de Bradley Manning devraient déposer sous peu une demande de grâce auprès du service du ministère américain de la Justice qui examine les recours en grâce et autres appels à la clémence avant de les transmettre au président pour qu’il prenne la décision finale. Ces requêtes sont généralement introduites une fois que toutes les voies de recours ont été épuisées, mais le président a la possibilité d’accorder une grâce à tout moment.
«Une grâce devrait être octroyée à Bradley Manning en reconnaissance des motivations qui l’ont poussé à agir ainsi, du traitement qu’il a subi au début de sa détention provisoire et du non-respect des garanties prévues par la loi pendant son procès. Le président n’a pas besoin d’attendre qu’un appel soit interjeté pour commuer cette condamnation ; il peut et doit le faire tout de suite», a conclu Widney Brown.
Communiqué de presse publié le 21 août 2013, Londres, Lausanne.
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