Si la plupart des pays possèdent des systèmes de permis et de règlementation en matière d’armes à feu, 30 États des USA autorisent la détention d'armes de poing sans licence ni permis et il n’existe pas de registre national des armes à feu ; il est même permis de porter une arme en public sans aucun permis dans 12 États.
«Le gouvernement américain privilégie la détention d'armes à feu au détriment des droits fondamentaux et de la sécurité de ses citoyens. De nombreuses solutions ont été proposées, mais elles se heurtent à l'absence criante de volonté politique de sauver des vies, a déclaré Alain Bovard, porte-parole de la Section suisse d’Amnesty International. Malgré la quantité effrayante d'armes en circulation et le très grand nombre de personnes tuées par armes à feu chaque année, on ne peut que constater l’absence d’une règlementation fédérale qui pourrait sauver des milliers de vies.»
«La possibilité de vaquer à ses occupations quotidiennes en sécurité et dans la dignité, sans avoir peur, est l'un droits majeur de tout citoyen, a déclaré Alain Bovard. Ce droit ne pourra malheureusement pas être garanti tant que les dirigeants des États-Unis ne feront rien pour contrer la violence armée.»
En 2016, dernière année pour laquelle des chiffres sont disponibles, plus de 38'000 personnes ont été tuées et 116'000 ont été blessées par des armes à feu aux États-Unis. La violence armée touche d’abord les communautés de couleur, où elle est la première cause de mortalité chez les hommes et les adolescents. Un noir âgé de 15 à 34 ans, a 20 fois plus de risques de se faire tuer par une arme qu’un blanc du même âge. Les femmes victimes de violence domestique et les enfants sont également touchés de manière disproportionnée.
Le rapport formule une palette de recommandations, il demande prioritairement au parlement des États-Unis d’adopter des lois nationales qui remplaceraient le fouillis actuel de lois souvent arbitraires propres à chaque État, qui fait que les citoyens de certains États sont plus exposés que d'autres à la violence armée.
Les recommandations sont notamment les suivantes :
- Mener des vérifications poussées sur les antécédents des acheteurs ;
- Adopter des règlementations nationales sur l'octroi de permis et l'enregistrement des armes à feu, et dispenser une formation obligatoire aux détenteurs d'armes ;
- Interdire les fusils d'assaut semi-automatiques et autres armes de type militaire ;
- Investir dans des programmes factuels de réduction et de prévention des violences communautaires ;
- Légiférer sur le stockage des armes obligatoire et sûr.
Le rapport note que si les fusillades de masse ont des effets émotionnels et psychologiques profonds et pourraient être évitées, notamment en interdisant les fusils d'assaut et les armes à feu de forte capacité, elles représentent moins de 1 % des morts par armes à feu.
Plus courants et moins médiatisés, les faits individuels gangrènent la vie quotidienne. Plusieurs témoignages illustrent les inégalités dont sont victimes certains quartiers face à la violence armée. «Nos enfants souffrent, explique Pam Bosley, une mère de Chicago dont le fils Terrell est mort par balles en 2006, «Nous avons besoin de services sociaux et de conseil pour les jeunes. Comment espérer qu'ils puissent survivre et exceller dans un tel environnement? S'ils nous traitaient comme à Sandy Hook**, la situation serait différente. Là-bas, ils ont fait venir des travailleurs sociaux pendant un an pour travailler avec les enfants. Notre communauté n'a pas grande valeur aux yeux de l'Amérique. Ils pensent que nous ne méritons ni aide ni soutien.»
Autre sujet abordé dans le rapport, les conséquences pour les milliers de personnes, victimes de la violence armée, qui ne sont que blessées, soit plus de 300 personnes par jour en moyenne. Les conséquences psychologiques, physiques et financières de leurs blessures bouleversent leurs vies de manière définitive. Il s'agit d'une crise de santé publique d’une ampleur étonnante et la réponse du gouvernement paraît bien timide, étant donné les effets durables pour de nombreuses victimes.
Le directeur du centre de traumatologie de Baltimore, parle d'un patient qui incarne les combats que doivent mener les victimes : «Il a été atteint de plusieurs balles. Je l'ai opéré entre 15 et 20 fois en 18 mois, il était vraiment mal en point. Mais nous avons réussi à le soigner et on s’accorde à dire que c'est une «belle réussite». Sauf qu’il a également reçu une balle dans le bras et souffre de graves lésions nerveuses. Il gagnait sa vie comme manutentionnaire et il a besoin de ses deux bras. Sans possibilité de rééducation ni de formation, il est handicapé et ne peut plus travailler. En vue d'obtenir l’allocation d’invalidité, vous devez être en mesure de négocier avec le système de santé ; j’ai moi-même bien du mal à le faire, alors comment pourrait-il y parvenir?»
Amnesty International s'efforce de de projets mis en place par des partenaires locaux au niveau des États.
- Dans l'Illinois, les membres d'Amnesty International demanderont au gouverneur d'adopter la loi sur la luttecontre les trafics illicites d'armes, qui contribuera à endiguer l’afflux d’armes issues du commerce illicite et empêchera les marchands d'armes d'ouvrir près des écoles et des centres de soins de jour.
- Dans l'Ohio, les militants s'efforceront de faire barrage à un projet de loi qui risque de favoriser les affrontements violents avec armes à feu.
- Dans le Michigan, une troisième campagne sera menée en faveur de l’adoption d’une loi autorisant les membres de la famille à prendre des mesures en vue d'empêcher leurs proches de se blesser ou de blesser autrui.
** Une école primaire du Connecticut ou 20 enfants blancs et 6 adultes ont été tués par un forcené en décembre 2012