L’approche de la Floride en matière de peine de mort est aberrante, et ajoute une couche supplémentaire d'arbitraire à un système d’application de la peine capitale qui est déjà discriminatoire et entaché d’erreurs, souligne Amnesty International dans un rapport publié le 23 août.
«La Floride défend l'indéfendable, notamment l'exécution de personnes atteintes de handicaps [...]»Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques d'Amnesty International
«Alors que plusieurs États américains ont opté pour l'abolition ces dernières années, la Floride demeure un partisan inconditionnel de la peine de mort et continue de faire partie de la poignée d'États qui sont responsables de la majeure partie des exécutions pratiquées aux États-Unis», a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques d'Amnesty International. «Alors que la Cour suprême des États-Unis a déclaré sa loi sur la peine capitale inconstitutionnelle il y a deux ans, la Floride a réagi en se braquant et en défendant l'indéfendable, notamment l'exécution de personnes atteintes de handicaps mentaux et intellectuels.»
La Floride n’est de loin pas prête à rejoindre les 19 États qui ont déjà aboli la peine capitale aux États-Unis, ni ceux qui le remettent en question. Elle possède le deuxième plus grand nombre de détenus dans le couloir de la mort et se place au quatrième rang des États ayant procédé à des exécutions depuis 1976, année où la Cour suprême a approuvé la nouvelle législation sur la peine capitale.
Dans son rapport intitulé Darkness visible in the Sunshine State: The death penalty in Florida, Amnesty International se penche sur les cas de condamnés à mort qui n’ont pas pu faire réexaminer la sentence prononcée contre eux en raison de la réponse de la Floride à l'arrêt Hurst c. Floride rendu 2016 par la Cour suprême des États-Unis. Les modalités d'application de la peine capitale en Floride ont été déclarées inconstitutionnelles car elles n’accordaient au jury qu’un rôle consultatif.
Au lieu de réévaluer sérieusement le recours à la peine capitale, le Parlement de Floride a rapidement modifié les dispositions controversées afin de permettre la reprise des exécutions. La Cour suprême de la Floride n'a depuis autorisé la mise en œuvre de l'arrêt Hurst que dans un nombre limité d'affaires, et la moitié environ des quelque 400 condamnés à mort n'ont pas même eu la possibilité de bénéficier d'une nouvelle audience.
Le rapport fournit des exemples précis de cas d'arbitraire, montrant que seule une question de calendrier certaines personnes échappent à la peine capitale et d'autres non.
Matthew Marshall a été condamné à mort pour un meurtre qu'il a commis en 1988 alors qu'il avait 24 ans. Le jury a voté à l'unanimité pour la réclusion à perpétuité, mais le juge a annulé leur choix et condamné Matthew Marshall à la peine capitale. Alors que de telles annulations sont interdites en Floride depuis l'arrêt Hurst, il n’a pas pu bénéficier de la rétroactivité de cette décision.
Le droit constitutionnel américaine ne permet de condamner à mort que les «pires» des individus, les délinquants qui «méritent tout particulièrement d'être exécutés du fait de leur culpabilité extrême». Les cas exposés dans le rapport mettent sérieusement en doute le respect de ce principe constitutionnel.
Parmi les cas présentés dans le rapport figure celui de Tony Watts, qui a été condamné à la peine capitale en Floride en 1989 et qui a passé depuis près de la moitié du temps dans l'hôpital psychiatrique de la prison en raison de ses graves handicaps mentaux. La Floride campe sur ses positions et maintient sa condamnation à mort au lieu de commuer sa peine.
Le rapport souligne également que l'origine ethnique a une influence sur le recours à la peine de mort en Floride. Vingt des 96 exécutions qui ont eu lieu dans cet État depuis 1976 concernent des condamnés noirs déclarés coupables du meurtre de victimes blanches, mais aucune personne blanche n'a été exécutée pour avoir tué uniquement une personne noire en Floride.
«La peine de mort ne permet absolument pas de faire justice.»Erika Guevara-Rosas
«Les États-Unis doivent cesser de recourir à cette peine qui est la plus cruelle, inhumaine et dégradante qui soit, et rejoindre les 142 pays qui sont abolitionnistes en droit ou dans la pratique actuellement, a déclaré Erika Guevara-Rosas. «On ne peut pas faire le bien en ajoutant le mal au mal. La peine de mort ne permet absolument pas de faire justice. La Floride et tous les autres États qui continuent d'utiliser la peine de mort doivent immédiatement mettre en place des moratoires sur les exécutions puis mettre fin une fois pour toutes à cette pratique cruelle.»
Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances.