Enrique Peña Nieto, sorti victorieux des urnes le 1 juillet dernier et qui sera investi président du Mexique le 1er décembre, n’est pas un chantre des droits humains. Au contraire, son pitoyable bilan dans ce domaine alors qu’il était gouverneur de l’Etat de Mexico, de 2005 à 2011, suscite de sinistres présages pour l’avenir.
En 2006, à San Salvador Atenco, la police avait, sur ordre de Peña Nieto, violemment réprimé une manifestation contre le projet de construction d’un aéroport. Deux manifestants étaient morts, des centaines de personnes avaient été arrêtées et maltraitées, et vingt-six femmes avaient été agressées sexuellement par les policiers. En mai dernier, alors que des étudiants lui reprochaient en pleine campagne présidentielle son attitude répressive à Atenco, Peña Nieto avait invoqué le «droit légitime d’utiliser la force» dont disposeraient, d’après lui, les gouvernants.
Autre point noir de son bilan : l’explosion du nombre de «féminicides», les meurtres de femmes. Neuf cent vingt deux ont été commis dans l’Etat de Mexico sous son mandat. «L’augmentation des féminicides s’inscrit dans la culture de l’impunité entretenue par Peña Nieto», explique Daniel Joloy de la Commission Mexicaine de Défense et Promotion des Droits de l’Homme (CMDPDH), une organisation indépendante. «Dans la plupart des cas, on ne sait pas qui sont les auteurs de ces crimes.»
Nombreux sont ceux qui craignent une régression des droits avec l’arrivée de Peña Nieto à la présidence. «Au cours des dernières années, il y a eu des avancées en matière de libertés. Mais Peña Nieto ne tolère pas la critique. Nous risquons de ne pas conserver les droits conquis, comme la liberté d’expression ou de manifestation» estime la politologue Lourdes Morales.
La question sécuritaire inquiète aussi les défenseurs des droits humains. L’engagement de l’armée dans la guerre contre les cartels de la drogue en 2006 a donné lieu à d’innombrables abus. Depuis lors, les plaintes déposées contre les militaires à la Commission Nationale des Droits de l’Homme, un organe officiel, ont augmenté de 300%. Or, Peña Nieto n’a pas questionné la stratégie militaire de combat au narcotrafic et il a, au contraire, annoncé son intention de poursuivre dans la même voie.
Lorsqu’il aborde, quoique rarement, le sujet des droits humains, Peña Nieto fait montre d’une ignorance flagrante. En mai, alors que la campagne électorale battait son plein, il a présenté un décalogue comprenant dix engagements pour améliorer la démocratie. Or, ces dix points concernaient des droits garantis par la Constitution mexicaine : dix commandements inviolables présentés comme des faveurs promises à la population…
Le processus électoral qui a mené Peña Nieto au pouvoir pourrait être lui-même au cœur d’une grave crise des droits civils au Mexique. En effet, son élection est entachée de multiples irrégularités, un euphémisme qui englobe l’achat de votes et la fraude, des pratiques qui portent la marque du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), la formation de Peña Nieto. Ce parti, qui a gouverné le Mexique de 1929 à 2000 à force de clientélisme et de corruption, a développé une myriade de techniques pour s’assurer la victoire aux urnes, le plus souvent en distribuant de l’argent en échange de voix, mais en allant aussi jusqu’à faire voter les morts. Cette fois-ci, l’opposition de gauche a dénoncé l’achat d’au moins cinq millions de votes de la part du PRI. Les droits des Mexicains pourraient être les grands perdants de ce scrutin.