Pourparlers de paix en Afghanistan Pas aux dépens des femmes

3 juin 2010
À la suite de l'intervention internationale de 2001 destinée à chasser les talibans du pouvoir, le gouvernement afghan et ses partenaires internationaux se sont engagés à faire progresser les droits des femmes. Depuis la chute du régime taliban, des progrès ont été constatés en matière de droits des femmes et d'égalité des genres, avec notamment la création d'un ministère des Affaires féminines, l'adoption d'une Constitution qui garantit l'égalité entre les hommes et les femmes, un meilleur accès à l'éducation et la représentation des femmes au Parlement.

Cependant, ces avancées gagnées de haute lutte pourraient être sérieusement remises en cause si le gouvernement afghan et ses partenaires de l'OTAN et de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) revoyaient à la baisse leurs engagements en faveur de la protection et de la promotion des droits des femmes en échange d'accords militaires et politiques à court terme avec les talibans et d'autres groupes rebelles. Des groupes de la société civile afghane, en particulier des groupes de femmes, ont dit haut et fort que les pourparlers de paix, ou de «réconciliation», ne devaient pas devenir synonymes de marchandage des droits humains d'une nouvelle génération d'Afghans. Les responsables politiques doivent montrer qu'ils ne sacrifieront pas le bien-être de la population afghane sur l'autel de l'opportunisme politique et militaire.

Aujourd'hui, dans les zones sous leur contrôle, les talibans, comme lorsqu'ils étaient au gouvernement, ont sérieusement restreint les droits des fillettes, des jeunes filles et des femmes, les privant notamment d'éducation, d'emploi, du droit de circuler librement et de toute participation et représentation politiques. En Afghanistan, les talibans et les autres groupes rebelles qui leur sont liés font peu de cas des droits humains et des lois de la guerre, prenant délibérément pour cible des civils, des travailleurs humanitaires et des établissements comme des écoles (en particulier des écoles de filles). D'après des chiffres communiqués par les Nations unies, les talibans et les autres groupes rebelles ont été responsables des deux tiers des quelque 2 400 victimes civiles recensées en Afghanistan en 2009, année la plus sanglante depuis la chute du régime taliban. Des accords du même type conclus avec les talibans au Pakistan voisin ont été suivis d'une multiplication des violations des droits humains dans les zones situées sous leur contrôle et ont donné lieu à une escalade du conflit et une montée de l'insécurité.

L'expérience de l'Afghanistan et du Pakistan voisin montre que toute paix obtenue sans justice ni respect des droits humains n'est pas une vraie paix et peut, au bout du compte, déboucher sur de nouveaux conflits. Pour que la protection des droits humains – et en particulier des droits des femmes – soit garantie, Amnesty International appelle le gouvernement afghan et ses partenaires de l'OTAN et des États-Unis à respecter les conditions suivantes :

Toutes les stratégies de réconciliation doivent prévoir la protection et la surveillance des droits humains, y compris des droits des femmes. Pendant le processus de réconciliation, quel qu'il soit, et lors de sa conclusion, tous les droits humains doivent être respectés et protégés, et des mesures immédiates et efficaces doivent être prises en cas de violations de ces droits. Pour commencer, le gouvernement afghan et les groupes rebelles doivent tous s'engager à respecter les obligations de l'Afghanistan aux termes du droit international relatif aux droits humains et du droit afghan.

Tout accord doit comprendre des critères permettant de vérifier que les parties respectent bien leurs obligations en matière de droits humains, par exemple l'évolution du taux de scolarisation, en particulier des filles; l'évolution de l'accès aux soins médicaux pour les femmes ; l'évolution de la mortalité maternelle et les tendances en matière de santé infantile; et la possibilité pour les travailleurs humanitaires et les militants de la société civile – en particulier les défenseurs des droits des femmes – de travailler dans les zones placées sous le contrôle respectif des différentes parties.

Il est indispensable que les femmes afghanes soient représentées de façon satisfaisante dans les étapes de planification et les pourparlers de réconciliation. Il faut appliquer, en politique et en pratique, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies, en particulier la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité et les autres résolutions liées. La parité entre les genres doit être recherchée dans toutes les équipes de négociation, y compris dans les jirgas de paix (conseils tribaux), et un quota d'au moins 25 % de femmes doit être fixé, conformément aux garanties constitutionnelles pour la représentation des femmes.

Les pourparlers de réconciliation ne doivent pas aboutir à une impunité pour les graves violations des droits humains et les crimes de guerre. Le Plan d'action pour la justice de transition, déjà promulgué par le président Hamid Karzaï, doit être redynamisé et ses recommandations pleinement appliquées dans un délai défini.