«Des milliers d’Afghans ont été tués ou blessés par les forces américaines depuis l’invasion, mais les victimes et leurs familles ont peu de chances d’obtenir réparation. Le système de justice militaire des États-Unis n’oblige presque jamais les soldats responsables d’homicides illégaux et d’autres violations à répondre de leurs actes», a déclaré Richard Bennett, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.
«Aucun des cas que nous avons examinés, soit 140 morts parmi les civils, n’a entraîné de poursuites au sein de l’armée américaine. Des éléments indiquant que des crimes de guerre et des homicides illégaux auraient été commis ont apparemment été volontairement ignorés.»
Contenu du rapport
Le rapport décrit en détail les lacunes en matière de reddition de comptes concernant les opérations militaires américaines en Afghanistan. Il appelle le gouvernement afghan à faire en sorte que l’obligation de rendre des comptes en cas d’homicides illégaux de civils soit garantie dans tous les accords de sécurité bilatéraux qui seront conclus avec l’OTAN et les États-Unis.
Les enquêtes criminelles formelles visant les homicides de civils en Afghanistan sont extrêmement rares. À la connaissance d’Amnesty International, depuis 2009 seules six affaires ont donné lieu à des procès de militaires américains.
Aux termes du droit international humanitaire (ou droit de la guerre), une mort civile lors d’un conflit armé n’implique pas nécessairement une infraction juridique. Pourtant, des civils semblent avoir été tués délibérément ou aveuglément, ou dans le cadre d’attaques disproportionnées. Dans ce cas, ces affaires devraient faire l’objet d’une enquête rapide, approfondie et impartiale. Si cette enquête montre que le droit de la guerre a été bafoué, des poursuites doivent être engagées.
Déficience du système judiciaire militaire américain
«Nous exhortons l’armée américaine à enquêter immédiatement sur tous les cas signalés dans le rapport, et sur tous les autres cas dans lesquels des civils ont été tués. Les victimes et les membres de leurs familles méritent la justice», a déclaré Richard Bennett.
Le principal obstacle à la justice pour les victimes afghanes et leurs familles est le système judiciaire militaire américain, profondément déficient.
Le système de justice militaire est basé sur la chaîne de commandement. Dans une large mesure, il s’appuie sur les comptes rendus des soldats concernant leurs actions. Faute d’autorités judiciaires indépendantes, ce système attend des soldats et de leurs responsables qu’ils signalent toute violation potentielle des droits humains. Le conflit d’intérêt est évident.
Dans les rares cas où une affaire fait l’objet de poursuites, la question de l’indépendance des tribunaux militaires américains est source de sérieuses préoccupations. Il est extrêmement rare que les Afghans eux-mêmes soient invités à témoigner dans ces affaires.
Nécessité de «civiliser» la justice militaire
«Il est urgent de réformer la justice militaire aux États-Unis. Ce pays doit apprendre des autres États, dont beaucoup ont fait d’énormes progrès ces dernières années pour ce qui est de “civiliser” leur justice militaire», a ajouté Richard Bennett.
Le rapport fait également état du manque de transparence concernant les enquêtes et les poursuites pour homicides illégaux de civils en Afghanistan. L’armée américaine refuse de fournir des données globales sur les responsabilités en matière de pertes civiles, et apporte rarement des informations sur des affaires individuelles. Le système du gouvernement américain en matière de liberté d’information, censé assurer la transparence quand les agences gouvernementales ne fournissent pas les informations voulues, est inefficace lorsque la question porte sur des pertes civiles.
Amnesty International exhorte également le gouvernement afghan à mettre en place immédiatement son propre mécanisme d’enquête sur les atteintes aux droits humains commises par les forces de sécurité nationale afghanes, qui endosseront la pleine responsabilité des opérations d’ici la fin 2014.