Alors qu’un nombre record de civils tués a été enregistré l’an dernier (11'000 selon les chiffres de l’ONU), les militants des droits humains sont largement délaissés par le gouvernement afghan. Dans le rapport Defenceless Defenders: Attacks on Afghanistan’s Human Rights Community, Amnesty International révèle que le gouvernement afghan s’est de façon répétée abstenu d’enquêter sur des attaques commises contre des militants des droits humains, les accusant dans certains cas d’avoir «forgé de toutes pièces» leurs plaintes, et leur disant même de prendre les armes pour se défendre.
«C’est actuellement l’une des périodes les plus dangereuses pour les militants des droits humains en Afghanistan.» - Omar Waraich, directeur adjoint pour l’Asie du Sud à Amnesty International
«C’est actuellement l’une des périodes les plus dangereuses pour les militants des droits humains en Afghanistan. Ils travaillent dans l’un des environnements les plus risqués au monde et sont confrontés à des menaces venant à la fois du gouvernement et des groupes armés. Le gouvernement afghan est tenu de respecter, protéger et soutenir les militants, d’enquêter sur les menaces et les attaques dont ils font l’objet, et d’amener les responsables présumés de ces agissements à rendre des comptes», a déclaré Omar Waraich, directeur adjoint pour l’Asie du Sud à Amnesty International.
Violences, menaces et homicides
Dans son rapport, Amnesty International montre de façon détaillée que les militants et défenseurs des droits humains sont intimidés, harcelés, menacés, attaqués avec des armes à feu et même tués, et que les autorités s’abstiennent d’enquêter sur ces agissements et d’engager des poursuites contre les responsables présumés.
- En octobre 2015, deux membres du personnel de la Commission afghane indépendante des droits humains (CAIDH) ont été tués et deux autres blessés par l’explosion d’une bombe placée en bordure de route dans la province orientale du Nangarhar. «Pour l’instant, le gouvernement n’a malheureusement procédé à aucune arrestation, a indiqué à Amnesty International un représentant de la CAIDH. Nous n’avons été informés d’aucune avancée [dans l’enquête].»
- En septembre 2016, Khalil Parsa, un militant des droits humains de la province d’Herat, a été visé par sept tirs d’arme à feu alors qu’il rentrait chez lui. Cette attaque est intervenue après une série de menaces qu’il a reçues, l’engageant à mettre fin à son travail de défense des droits humains. Quand Khalil Parsa a signalé ces menaces à la Direction nationale de la sécurité, on lui a simplement dit d’informer les services de sécurité la prochaine fois que de tels faits se produiraient. Il a quitté le pays de façon temporaire pour se mettre en sécurité à l’étranger, et a par la suite appris que le gouvernement n’allait pas enquêter sur l’attaque dont il avait été victime.
- En octobre 2018, «Mohammed» (ce n’est pas son vrai nom) rentrait chez lui à pied à Kaboul quand il a été pris en chasse près de son domicile et touché par une balle qui l’a atteint au foie. Mohammed n’a reçu aucune protection, alors qu’il a demandé de l’aide aux autorités. On lui a dit d’acheter une arme à feu et d’«assurer [lui-même] sa protection». Il a été contraint d’aller vivre ailleurs pour se mettre en sécurité.
- «Hasiba» (ce n’est pas son vrai nom) est une avocate spécialisée dans la défense de femmes victimes de violences domestiques. Elle a reçu depuis 2017 de nombreuses menaces de violences, notamment d’attaque à l’acide. La police a enregistré sa plainte, mais n’a pris aucune mesure, ce qui l’a contrainte à fermer pendant sept mois son cabinet d’avocate.
«La communauté internationale doit intervenir et apporter à la communauté afghane des défenseurs des droits humains l’aide dont elle a besoin de toute urgence»
«La communauté internationale a un rôle important à jouer dans le cas présent. Elle salue depuis longtemps le courage des militants des droits humains en Afghanistan, mais elle s’abstient de reconnaître leurs réalisations et de les soutenir efficacement. La communauté internationale doit intervenir et apporter à la communauté afghane des défenseurs des droits humains l’aide dont elle a besoin de toute urgence», a déclaré Omar Waraich.