Image d'icône (droits expirés de l'image originale de cet article) © pixabay (Erika Wittlieb)
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Afghanistan Les talibans ne perdent pas de temps pour éradiquer les droits humains

Communiqué de presse du 21 septembre 2021. Londres/Berne. Contact du service de presse
Les talibans ne cessent de démanteler les progrès réalisés en matière de droits humains au cours des vingt dernières années, ont déclaré Amnesty International, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) dans un nouveau rapport publié aujourd'hui. Le document rend compte de la vaste campagne de répression menée par le groupe depuis sa conquête de Kaboul, il y a un peu plus de cinq semaines.

Contrairement aux affirmations répétées des talibans selon lesquelles ils respecteront les droits des Afghans et des Afghanes, le rapport intitulé Afghanistan's fall into the hands of the Taliban détaille une litanie de violations des droits humains, notamment des assassinats ciblés de civils et de soldats qui se sont rendus et le blocage de l'approvisionnement humanitaire dans la vallée du Panjshir, qui constituent des crimes au regard du droit international. Des restrictions ont également été réimposées aux femmes et à la société civile, ainsi qu’à la liberté d’expression.

« Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies doit mettre en place un mécanisme solide et indépendant ayant pour mandat de documenter, de collecter et de préserver les preuves des crimes de droit international en cours et des autres violations et atteintes graves aux droits humains dans tout l'Afghanistan »Dinushika Dissanayake, directrice adjointe du programme Asie du Sud d'Amnesty International

« En un peu plus de cinq semaines depuis qu'ils ont pris le contrôle de l'Afghanistan, les talibans ont clairement démontré qu'ils ne sont pas sérieux lorsqu'il s'agit de protéger ou de respecter les droits humains. Nous avons déjà assisté à une vague de violations, qu'il s'agisse d'attaques de représailles, de restrictions à l'égard des femmes ou de répression des manifestations, des médias et de la société civile », a déclaré Dinushika Dissanayake, directrice adjointe du programme Asie du Sud d'Amnesty International. 

« Compte tenu du climat de peur qui règne, de l'absence de connexion mobile dans de nombreuses régions et des coupures d'Internet imposées par les talibans, ces conclusions ne représentent probablement qu'un instantané de ce qui se passe sur le terrain. Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies doit mettre en place un mécanisme solide et indépendant ayant pour mandat de documenter, de collecter et de préserver les preuves des crimes de droit international en cours et des autres violations et atteintes graves aux droits humains dans tout l'Afghanistan. »

Un climat de peur pour les défenseur∙e∙s  des droits humains

Depuis le 15 août, des attaques contre des défenseur∙e∙s des droits humains ont été signalées de manière quasi quotidienne. Les talibans font du porte-à-porte à la recherche de défenseur∙e∙s des droits humains, ce qui oblige beaucoup d'entre eux et elles à se cacher. 

« La menace à laquelle sont confrontés les défenseurs des droits humains bloqués en Afghanistan est réelle. Ils sont attaqués sur tous les fronts car ils sont considérés comme des ennemis des talibans. Leurs bureaux et leurs domiciles ont été perquisitionnés. Leurs collègues ont été battus. Ils sont contraints de se cacher en permanence. Ils vivent sous la menace constante d'être arrêtés, torturés ou pire encore. Ceux qui ont réussi à quitter le pays sont maintenant bloqués dans des camps militaires ou dans des pays voisins, sans connaître leur destination finale ni savoir comment ils pourront reconstruire leur vie qui a été brisée du jour au lendemain », a déclaré Delphine Reculeau, directrice du programme des défenseurs des droits humains à l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT).

« Les défenseurs des droits humains sont attaqués sur tous les fronts car ils sont considérés comme des ennemis des talibans. Leurs bureaux et leurs domiciles ont été perquisitionnés. Leurs collègues ont été battus. Ils vivent sous la menace constante d'être arrêtés, torturés ou pire encore »Delphine Reculeau, directrice du programme des défenseurs des droits humains à l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT)

« La communauté internationale doit respecter ses engagements moraux et politiques et ne pas laisser tomber les personnes qui ont consacré leur vie à la défense des droits humains, de l'égalité des sexes, de l'État de droit et des libertés démocratiques dans leur pays, mais les protéger à tout prix. »

Journalistes persécuté·e·s

Deux femmes journalistes basées à Kaboul avec lesquelles Amnesty International s'est entretenue ont évoqué les menaces et les actes d'intimidation auxquels elles ont été confrontées après la prise du pouvoir par les talibans. Ayesha*, qui a fui la capitale après avoir été avertie par son employeur que sa vie était en danger, a déclaré que sa famille avait reçu la visite des talibans et avait été menacée après qu'elle eut informé le groupe qu'elle n'était pas chez elle.

Aadila* a décrit les deux premières semaines du régime taliban comme une période de peur et d'incertitude. Elle avait initialement décidé de rester en Afghanistan et de poursuivre son travail, jusqu'à ce que les talibans viennent chez elle, une nuit. Sur l'insistance de ses proches, elle a quitté le pays peu de temps après.

Abdul, un journaliste masculin, a déclaré que les rédacteurs en chef, les journalistes et les travailleurs des médias avaient reçu des instructions des talibans selon lesquelles ils ne pouvaient travailler que dans le respect de la charia et des règles et règlements islamiques.

Les femmes, les filles et le droit de manifester

En raison du climat de peur engendré par la prise du pouvoir par les talibans, de nombreuses femmes afghanes portent désormais la burka, s'abstiennent de quitter la maison sans un tuteur masculin et mettent fin à leurs activités pour éviter la violence et les représailles. Malgré les innombrables menaces qui pèsent sur les droits des femmes, celles-ci ont organisé des manifestations dans tout le pays.

Si certaines manifestations ont pu se poursuivre pacifiquement, beaucoup ont été violemment réprimées par les talibans. Le 4 septembre, une centaine de femmes participant à une manifestation à Kaboul ont été dispersées par les forces spéciales des talibans, qui ont tiré en l'air et auraient lancé des gaz lacrymogènes. 

Le 8 septembre, le ministère de l'Intérieur, désormais contrôlé par les talibans, a émis un ordre interdisant toute manifestation et tout rassemblement dans tout l'Afghanistan «jusqu'à ce qu'une politique de manifestation soit codifiée».

« La communauté internationale ne doit pas fermer les yeux sur les violations commises par les talibans. Prendre des mesures concrètes au Conseil des droits de l'homme des Nations unies permettra non seulement d'envoyer le message que l'impunité ne sera pas tolérée, mais aussi de contribuer à prévenir les violations à plus grande échelle. Cela devrait aller de pair avec un soutien à l'enquête en cours à la Cour pénale internationale, afin d'assurer la responsabilité des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre commis par toutes les parties », a déclaré Juliette Rousselot, chargée de programme de la FIDH pour l'Asie du Sud.