Mam Sonando, éminent journaliste âgé de 71 ans, est propriétaire de l'une des rares stations de radio indépendantes du Cambodge, Beehive Radio. Il dirige également une organisation non gouvernementale (ONG) très connue qu’il a fondée pour promouvoir les droits humains et la démocratie, l'Association des démocrates.
Les charges retenues contre Mam Sonando font suite à un discours prononcé le 26 juin par le Premier ministre cambodgien, Hun Sen, qui accusait le propriétaire de Beehive Radio et des membres de l'Association des démocrates d'être les instigateurs d'un complot sécessionniste.
Hun Sen a prononcé ce discours peu après que Beehive Radio a parlé dans l’une de ses émissions d'une plainte déposée en juin 2012 auprès de la Cour pénale internationale (CPI). Cette plainte accusait le gouvernement cambodgien d'avoir commis des crimes contre l'humanité en expulsant de force des milliers de personnes.
La justice reste dépendante du pouvoir exécutif
«Ce jugement est inexplicable. Aucun élément n’a été présenté lors du procès permettant de prouver qu’il y a bel et bien eu une insurrection ou que Mam Sonando y a participé», a indiqué Rupert Abbott, chercheur sur le Cambodge à Amnesty International, qui a assisté au procès du journaliste et à l’audience où a été rendu le verdict.
«Dans la forme, le procès de Mam Sonando semblait tout à fait équitable. Pourtant, le jugement montre qu’en réalité, rien n’a changé et que les tribunaux cambodgiens ne sont pas indépendants vis-à-vis du pouvoir exécutif», a commenté Rupert Abbott. «Mam Sonando est un prisonnier d’opinion, condamné et incarcéré uniquement pour avoir exercé sans violence son droit à la liberté d’expression par le biais de ses émissions de radio, et Amnesty International va militer vigoureusement en faveur de sa libération.»
Des civils victimes d’expulsions forcées et de violences
Le village de Pro Ma, accusé de vouloir faire sécession du Cambodge, est depuis longtemps l’enjeu d’un conflit foncier avec une compagnie d’exploitation du caoutchouc. Cependant, les autorités ont utilisé le complot séparatiste comme prétexte pour expulser avec violence de nombreux villageois en mai 2012. Lors de cette opération, les forces de sécurité ont abattu une adolescente de 14 ans.
Lundi 1er octobre, le tribunal municipal de Phnom Penh a également déclaré coupables par contumace trois militants de la communauté et les a condamnés à des peines de prison allant de 15 à 30 ans pour crimes ayant porté atteinte à l’État, tandis que trois villageois de Pro Ma ont été condamnés à des peines allant jusqu’à cinq ans derrière les barreaux. Plusieurs autres villageois, dont ceux qui avaient accepté l’offre du gouvernement, qui s’était engagé à faire preuve de clémence s’ils dénonçaient d’autres personnes, ont été déclarés coupables, mais condamnés à des peines avec sursis.
« Les autorités se sont servies de cette histoire incroyable de sécession pour museler la dissidence, s’est indigné Rupert Abbott.«Les condamnations prononcées sont la marque de la dégradation de la liberté d’expression au Cambodge »
Depuis début 2012, les autorités cambodgiennes ont de plus en plus recours au harcèlement, aux actions juridiques engagées devant des tribunaux à la solde de l’État et à la violence, voire aux homicides, face aux défenseurs des droits humains et aux manifestants pacifiques, en particulier lorsque ceux-ci essaient de préserver leurs logements et leurs terres.
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