Depuis deux ans, au Cambodge, la population manifeste pour revendiquer ses droits comme jamais auparavant, mais les autorités répondent par une violente répression. © REUTERS/Samrang Pring
Depuis deux ans, au Cambodge, la population manifeste pour revendiquer ses droits comme jamais auparavant, mais les autorités répondent par une violente répression. © REUTERS/Samrang Pring

Cambodge Les militants réprimés dans la violence toujours privés de justice

4 juin 2015
Les autorités cambodgiennes doivent rendre justice aux personnes tuées, disparues et blessées au cours de la répression des manifestations par les forces de sécurité notamment lors des élections contestées de 2013.

Dans un nouveau rapport intitulé Taking to the streets, Amnesty International révèle qu’aucun fonctionnaire ou membre des forces de sécurité n’a été amené à rendre des comptes pour la répression souvent brutale des manifestations au Cambodge.

Violente répression

«Au Cambodge, des manifestants ont dû braver les matraques et parfois les balles pour exprimer leur opinion. Au cours des deux dernières années, les gens sont descendus dans la rue pour revendiquer leurs droits comme jamais auparavant, mais les autorités ont régulièrement répondu par une répression violente, a déclaré Rupert Abbott, directeur des recherches sur l’Asie du Sud-est et le Pacifique à Amnesty International.

«Notre rapport montre que les victimes de graves violations des droits humains commises par les forces de sécurité sont laissées sans justice ni recours utile, tandis que les responsables de ces agissements continuent d’échapper aux poursuites.»

Les plus grandes manifestations de l’histoire du Cambodge

Le rapport, qui s’appuie sur des recherches approfondies menées dans le pays, couvre une période tumultueuse au cours de laquelle ont probablement eu lieu les plus grandes manifestations de l’histoire du Cambodge. À la fin de l’année 2013, des personnes sont descendues dans la rue pour protester contre les élections nationales, sujettes à controverse, et des ouvriers de l’industrie textile pour réclamer une augmentation de leur salaire minimum.

Les forces de sécurité ont eu recours à des arrestations arbitraires, des passages à tabac et parfois des homicides pour étouffer les manifestations, en allant jusqu’à tirer sur des foules avec des Kalachnikov. Au moins six personnes ont été abattues lors de manifestations depuis septembre 2013.

Ouvriers de l’industrie textile tués par balle

Le 3 janvier 2014, les forces de sécurité ont ouvert le feu contre des ouvriers de l’industrie textile lors d’une manifestation qui a tourné à la violence en banlieue de la capitale, Phnom Penh. Au moins quatre jeunes hommes – Khim Phaleap, Sam Ravy, Yean Rithy et Pheng Kosal – âgés de vingt-deux à vingt-cinq ans ont été tués et plusieurs dizaines d’autres personnes ont été blessées.

Au cours de la même manifestation, Khem Saphath, un ouvrier de seize ans, a été vu pour la dernière fois avec une blessure par balle à la poitrine. Il est porté disparu, présumé mort et aucune information n’a été communiquée à sa famille quant aux mesures prises pour enquêter sur sa disparition forcée.

Impunité

«L’usage d’une force excessive par les forces de sécurité lors de manifestations a ruiné la vie des victimes et de leurs proches. Dans certains cas, l’identité des responsables présumés est évidente et, dans beaucoup d’autres, elle devrait être assez facile à déterminer, mais personne n’a été amené à rendre des comptes», a déclaré Rupert Abbott.

Parmi les personnes impliquées dans l’usage excessif de la force contre des manifestants figurent des policiers, des gendarmes et des militaires, ainsi que des membres de la police auxiliaire, force qu’Amnesty International recommande de ne plus affecter au maintien de l’ordre lors de rassemblements.

Malgré les nombreuses plaintes déposées par les personnes qui ont subi des violences aux mains des forces de sécurité, une effrayante culture de l’impunité fait qu’aucun membre de celles-ci n’a été amené à rendre compte de ces graves violations des droits humains.

Rompre le cycle de la violence

«Les autorités cambodgiennes doivent fixer des limites et rompre ce cycle de violations des droits humains et d’impunité en traduisant en justice les responsables présumés de ces décès et blessures. Si elles ne le font pas, les violations se reproduiront sans cesse, a déclaré Rupert Abbott.

«Amnesty International demande que des enquêtes approfondies et transparentes soient menées et, s’il existe suffisamment d’éléments de preuve, que les responsables présumés des recours excessifs à la force contre des manifestants fassent l’objet de poursuites. Les victimes de ces graves violations des droits humains doivent avoir accès à des recours utiles, notamment à des indemnités.»