Des témoins ont indiqué que les forces de sécurité avaient répondu par la violence à un mouvement de protestation pacifique. © AP/PA Photo/Ng Han Guan
Des témoins ont indiqué que les forces de sécurité avaient répondu par la violence à un mouvement de protestation pacifique. © AP/PA Photo/Ng Han Guan

Chine Il faut une nouvelle enquête sur les émeutes du Xinjiang

7 juillet 2010
Amnesty International a exhorté le gouvernement chinois à mener une enquête indépendante sur les émeutes qui ont enflammé en 2009 la région autonome ouïghoure du Xinjiang, de nouveaux témoignages recueillis par l'organisation confortant les doutes vis-à-vis de la version officielle des événements.

Le rapport publié sous le titre China: Justice, justice: The July 2009 Protests in Xinjiang, China présente de nouveaux témoignages recueillis auprès de Ouïghours ayant fui la Chine après les troubles, qui se sont principalement déroulés à Urumqui, capitale du Xinjiang.

Les personnes interrogées ont parlé d'un recours à la force inutile ou excessif, d'arrestations massives, de disparitions forcées et de torture et de mauvais traitements en détention, actes perpétrés le 5 juillet 2009 et durant la répression gouvernementale qui a suivi.

«Dans la version officielle, trop de questions restent sans réponse. Combien de personnes sont mortes, qui les a tuées, dans quelles circonstances et pourquoi ?», s'interroge Catherine Baber, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d'Amnesty International.

À l'approche de l'anniversaire du 5 juillet, la sécurité dans le Xinjiang a été renforcée, assortie semble-t-il de restrictions à la liberté de mouvement et d'expression, qui ciblent notamment les associations de la communauté ouïghoure.

«Au lieu d'étouffer l'enquête, de faire porter le chapeau à des agitateurs extérieurs et d'entretenir la peur, le gouvernement chinois doit profiter de cet anniversaire pour ouvrir une enquête digne de ce nom, notamment sur les doléances qui couvent depuis longtemps au sein de la communauté ouïghoure et ont contribué à ce que les émeutes éclatent», a expliqué Catherine Baber.

Des témoins des événements du 5 juillet ont confirmé que les protestations contre l'inaction dont a fait preuve le gouvernement face aux meurtres d'ouvriers ouïghours dans le sud de la Chine ont démarré pacifiquement, mais se sont heurtées à la violence des forces de sécurité. Une femme de 29 ans vivant à Urumqui a déclaré :

«Une vingtaine de véhicules militaires sont arrivés. Armés de fusils automatiques, les membres des forces de sécurité ont commencé à bousculer les manifestants. Une femme s'est avancée vers eux. Un policier a ouvert le feu. Elle est morte. J'étais choquée et pétrifiée. La situation est alors devenue chaotique.»

Les émeutes ont éclaté plus tard dans la soirée, notamment dans le sud de la ville, quartier ouïghour, faisant de nombreuses victimes. D'après les responsables chinois, 197 personnes sont mortes lors des violences du 5 juillet. Parmi elles, 156 ont été qualifiées d'« innocentes », à savoir 134 Chinois Han, 11 Huis, 10 Ouïghours et un Mandchou.

Un témoin de 22 ans a décrit le chaos et la violence dont Urumqui a été le théâtre:

«Vers 20 heures [le 5 juillet], un groupe de Ouïghours est passé devant chez nous en direction du sud, cassant des voitures entre autres. Puis, 30 minutes après, un autre groupe de Ouïghours est passé. Ils couraient, l'armée les poursuivait. Les soldats leur tiraient dessus, dans le dos, alors qu'ils s'enfuyaient. Je pense que trois d'entre eux sont morts, tués d'une balle dans le dos.»

«On ignore si les forces de sécurité ont été dûment préparées à protéger tous les citoyens et si elles étaient suffisamment formées et équipées pour contrôler la situation sans recourir à la force meurtrière», a expliqué Catherine Baber.

Des attaques violentes ont été signalées dans la ville toute la semaine durant. Des témoins ont déclaré à Amnesty International que les policiers se sont parfois abstenus de protéger des Ouïghours attaqués par des Han le 7 juillet.

La Chine a récemment adopté un projet de développement pour le Xinjiang visant à promouvoir la stabilité sociale. Cependant, Amnesty International exhorte le gouvernement à instaurer équité et justice dans cette province et à veiller à consulter largement la population pour tout projet futur et sa mise en œuvre.

«Le gouvernement chinois espère stabiliser le Xinjiang en injectant de l'argent pour résoudre le problème, mais le ressentiment et la défiance ne sauraient s'estomper s'il ne mène pas une enquête crédible et indépendante sur les émeutes d'Urumqui et ne s'intéresse pas aux doléances latentes», a assuré Catherine Baber.

Plus d'un millier de personnes ont été placées en détention au lendemain des émeutes, tandis que des centaines ont probablement été victimes de disparitions forcées. D'après les chiffres officiels, pas moins de 198 personnes ont été condamnées à l'issue de procès qui, selon Amnesty International, n'ont pas respecté les normes internationales d'équité. On sait que neuf personnes ont été exécutées et au moins 26 condamnées à mort.

Amnesty International appelle la Chine à mener une enquête indépendante et impartiale sur les atteintes aux droits humains commises par toutes les parties lors des troubles d'Urumqui et à garantir la transparence des procédures judiciaires intentées contre les personnes inculpées dans le cadre de ces émeutes, qui doivent notamment être jugées lors de procès équitables conformes aux normes internationales.

Le 5 juillet 2009, des violences ont éclaté à Urumqui, capitale de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine, après que la police a réprimé une manifestation pacifique dénonçant l'inaction du gouvernement face aux meurtres d'ouvriers ouïghours migrants établis à Guangdong, dans le sud du pays. Les manifestations se sont déroulées sur fond de ressentiment des Ouïghours, avivé au fil des ans par la répression et la discrimination.

Plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations unies, en particulier le rapporteur spécial sur la torture et l'experte indépendante sur les questions relatives aux minorités, ont demandé à se rendre dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. À ce jour, les autorités chinoises n'ont pas accédé à leur requête.