Action d'avocats, qui se sont engagés pour leurs collègues emprisonnés en mai 2009. © DR
Action d'avocats, qui se sont engagés pour leurs collègues emprisonnés en mai 2009. © DR

Chine Les avocats vivent des heures sombres

Le gouvernement chinois a pris une série de mesures sans concessions destinées à restreindre l'indépendance des gens de loi et à se débarrasser des avocats spécialisés dans les affaires relatives aux droits humains, a déclaré Amnesty International jeudi 30 juin 2011.

Un rapport de l’organisation intitulé Against the Law – Crackdown on China’s Human Rights Lawyers Deepens révèle que l’État chinois a multiplié les tentatives visant à contrôler les avocats ces deux dernières années –et plus particulièrement ces derniers mois.

De la suspension de licence à la disparition forcée

«Les avocats spécialisés dans la défense des droits humains sont de plus en plus victimes de moyens d’action visant à les réduire au silence, notamment à la suspension ou l’annulation de leurs licences, au harcèlement, à la disparition forcée, voire à la torture», s’est indignée Catherine Baber, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

Craignant de voir éclater une «Révolution du Jasmin» inspirée par le printemps arabe, le gouvernement a arrêté un très grand nombre de détracteurs du gouvernement, de militants et de cybercitoyens depuis le mois de février 2011.

Dans le cadre de cette répression, il opère un vaste coup de filet ciblant les avocats dont le travail est axé sur des questions telles que la liberté de religion, la liberté d’expression et les droits fonciers.

Une «évaluation annuelle» qui radie les avocats engagés

«L’État chinois se sert de la loi et la manipule dans le but d’écraser ceux qu’il considère comme une menace, a indiqué Catherine Baber. Les avocats spécialisés dans la défense des droits humains sont pris pour cibles car ils tentent de mettre la loi au service de la protection des citoyens contre les abus de l’État. Le gouvernement doit libérer toutes les personnes victimes de détention ou de disparition forcée pour avoir exercé ou protégé les droits fondamentaux.»

En Chine, chaque année, les membres des professions juridiques doivent se soumettre à une «évaluation annuelle», dont beaucoup estiment qu’elle n’a aucun fondement aux termes de la législation chinoise. Les autorités locales évaluent les cabinets d’avocats, tandis que les avocats sont évalués individuellement par des associations de juristes soi-disant indépendantes. Les avocats qui osent s'occuper d'affaires délicates, notamment relatives aux droits humains, échouent fréquemment à cette évaluation, ce qui leur vaut d’être suspendus ou radiés du barreau.

Lorsque cette évaluation et les menaces ne suffisent pas à décourager les avocats d'assurer la défense de personnes impliquées dans ce type d’affaires, les autorités les réduisent au silence en usant de moyens qui bafouent les normes internationales relatives aux droits fondamentaux et les lois nationales.

En raison des pressions, des mesures d’intimidation et des persécutions auxquelles sont en butte les avocats spécialisés dans les droits humains, leur nombre reste restreint. Sur plus de 204 000 avocats exerçant en Chine, seules quelques centaines d'entre eux prennent le risque d'accepter de travailler sur des affaires de droits humains.

Les avocats sous pression (video en anglais)

Certains clients n'ont pas le droit d'être défendus

Les nouvelles réglementations adoptées en 2009 et 2010 interdisent aux avocats d'assurer la défense de certains clients, de commenter leur travail dans les médias ou de contester les irrégularités des procès, et élargissent la base sur laquelle ils peuvent être inculpés du crime d’«incitation à la subversion» lorsqu’ils font leur travail.

Conséquence de ces mesures, il est très difficile pour ceux qui en ont le plus besoin de se faire représenter par un avocat.

Citons notamment les personnes poursuivies parce qu’elles sont membres de groupes religieux interdits comme le mouvement spirituel Fa Lun Gong, les contestataires tibétains et ouïghours, les victimes d’expulsions forcées, ou les personnes qui mettent en cause la réponse apportée par le gouvernement à des catastrophes naturelles ou à des problèmes de sécurité alimentaire.

Les victimes d’atteintes aux droits humains commises par l’État, comme la torture ou la détention illégale, sont particulièrement susceptibles de n’être pas correctement défendues au cours de leur procès. C’est notamment le cas des accusés encourant la peine de mort, souvent poursuivis sur la base d’«aveux» extorqués sous la torture.

«Si les avocats craignent de travailler sur des "affaires sensibles", particulièrement lorsqu’elles concernent des abus commis par les autorités, les citoyens chinois ne peuvent pas compter sur la loi pour obtenir réparation, et les représentants de l’État ont carte blanche pour agir en toute impunité, a expliqué Catherine Baber.

«Ce type de répression ne peut qu’entamer la confiance de la population envers ses dirigeants et se retourner contre eux.

Revendications d'Amnesty

«Amnesty International appelle le gouvernement chinois à rendre leurs licences aux avocats suspendus ou rayés du barreau parce qu’ils ont travaillé sur des affaires de droits humains et à confier l’encadrement de la profession à des associations véritablement indépendantes, comme le préconisent les normes internationales et de nombreuses personnes en Chine.

«Les avocats doivent eux-mêmes être protégés; c’est à cette seule condition qu’ils pourront exercer pleinement leur rôle de protection des droits fondamentaux et contribuer à créer une nation dynamique et juste», a conclu Catherine Baber.

Télécharger le rapport d'Amnesty Against the Law – Crackdown on China’s Human Rights Lawyers Deepens en anglais

30 juin 2011