En Chine, j’étais journaliste. J’ai toutefois décidé de démissionner au bout de quatre ans, car les autorités ne me laissaient pas publier la vérité. J’ai commencé ensuite à travailler dans une ONG; je faisais des recherches sur des questions sociales.
J’étais notamment préoccupée par la situation des victimes de sources d’eau contaminées et celle des personnes ayant contracté le VIH/sida après une transfusion sanguine, et j’aidais les groupes vulnérables à défendre leurs droits.
J’étais l’une des cybermilitantes les plus actives, donnant mon opinion sur la politique, diffusant des informations et organisant des activités.
À partir de 2005, j’ai été invitée à «prendre le thé» et à venir «discuter». J’étais placée sous surveillance et régulièrement assignée à domicile en Chine.
En 2010, j’ai distribué un ouvrage intitulé Li Peng’s Diary (Le journal de Li Peng), censuré par les autorités. La police a effectué une descente à mon domicile et confisqué mes biens. Grâce à l’aide d’ONG internationales et d’amis, j’ai réussi à fuir le pays et je vis maintenant en Allemagne.
La censure est un couperet au-dessus des cybermilitant·e·s
Le risque que courent au quotidien de nombreux blogueurs chinois est la suppression soudaine de tout leur contenu. Pire encore, des sites peuvent bloquer des opinions qui sont considérées comme «sensibles».
J’ai commencé à militer sur Internet très tôt. J’ai organisé une manifestation contre Wu Hao, vice-ministre du ministère provincial de la Propagande du Yunnan, en signe de solidarité avec Ni Yulan, avocate spécialisée dans la défense des droits humains. J’ai également préparé des activités pour commémorer la répression sur la place Tiananmen ainsi que des actions de solidarité avec d’autres militants.
En raison de mes activités, en 2010, le ministère de la Sécurité publique à Pékin a demandé à Sina Weibo (l’un des plus grands réseaux sociaux de Chine) de bloquer complètement mon nom, car il était jugé «sensible». Les cinq comptes de messagerie Sina Weibo que je possédais ont été supprimés. Une fois, j’ai reçu un message d’un administrateur des microblogs Sina Weibo visant à m’intimider: «Soyez honnête, sinon votre compte sera supprimé.»
La quasi-totalité des blogueurs qui évoquent les difficultés sociales que connaît la Chine auront rencontré les mêmes problèmes que moi. Les sites web chinois ont dressé une liste de mots sensibles, comme «Tibet», «Fa Lun Gong», «Wang Lijun», «Bo Xilai», «Jiang Zemin», etc. Tout contenu où figurent ces termes est bloqué automatiquement.
On entend parfois dire qu’Internet est un don de Dieu pour la Chine. En réalité, l’utilisation d’Internet dans ce pays est une «danse enchaînée».
Surveillance et suppression de comptes sur internet
Lorsqu’un événement se produit, par exemple la catastrophe ferroviaire de Wenzhou en 2011, les commentaires et les observations des blogueurs sont supprimés.
La société Sina Weibo emploie plus de 1 000 administrateurs chargés de vérifier les blogs et de supprimer ceux jugés sensibles.
Depuis le début de l’année 2012, Internet fait l’objet d’un contrôle renforcé. Depuis le 16 mars 2012, la plupart des sites ont mis en place un système d’enregistrement des internautes sous leur vrai nom afin de dissuader ceux qui souhaiteraient publier du contenu inacceptable pour les autorités. Si un internaute publie du contenu considéré comme une menace, il risque d’être arrêté par les autorités, qui l’auront retrouvé grâce à l’adresse qu’il a fourni lorsqu’il s’est enregistré.
Militants dans la ligne de mire du gouvernement
Il existe trois grandes questions politiques délicates en Chine: le Tibet, le Fa Lun Gong et le Xinjiang – il est interdit de débattre de ces questions.
En 2008, le président chinois Hu Jintao a déclaré que quatre facteurs favorisaient les troubles sociaux: les auteurs de pétitions, les avocats spécialisés dans la défense des droits, les journalistes et les ONG.
Je me sens toujours menacée par les autorités chinoises, même si je vis en Allemagne, où j’ai un emploi stable.
En décembre 2011, je suis allée à Hong Kong et j’ai tenté de retourner en Chine, mais je n’y ai pas été autorisée – le gouvernement chinois a même colporté des rumeurs sur moi.
Je crois cependant que certains militants dans le pays sont confrontés à des situations bien plus difficiles que celle que j’ai vécue. Teng Biao, Jiang Tianyong et Tang Jitian, avocats spécialisés dans les droits humains, l’écrivain du Sichuan Ran Yunfei, l’artiste Ai Weiwei et la militante des droits humains Wang Lihong ont tous été arrêtés et placés illégalement en détention par la police. Certains d’entre eux ont même été condamnés après la révolution du jasmin l’année dernière.
Grâce à Internet, je suis restée en contact avec la Chine. J’organise des actions de solidarité, en particulier pour Ai Weiwei, et j’y participe depuis l’Allemagne.
Après sa libération, alors que le gouvernement chinois continuait d’exercer des pressions sur lui, j’ai été l’une des instigatrices du mouvement qui s’est formé pour l’aider à contester un redressement fiscal.
Pour le peuple chinois, le danger n’est pas d’agir mais de se taire et de se soumettre. C’est ce que nous ont prouvé par leur courage et leur action des militants des droits humains, comme Hu Jia et Chen Guangcheng, et je voudrais apprendre d’eux.