Le mari de Li Yan, ma sœur aînée, la frappait souvent, l’enfermait sur le balcon en plein hiver alors qu’elle était légèrement vêtue, et la torturait en la brûlant au visage avec des cigarettes. Il est même allé jusqu’à lui sectionner un doigt. Elle a supplié la police de la protéger à maintes reprises. Finalement, en novembre 2010, pour que les coups cessent, elle l’a frappé encore et encore à la tête avec un pistolet.
Ma sœur était une jeune personne intelligente et très pragmatique qui aspirait à une vie de famille stable. La famille toute entière était opposée à son mariage en raison de la réputation violente de cet homme et aussi parce qu’il avait déjà trois divorces à son actif. Mon père a menacé de la renier.
Quand elle rendait visite à nos parents, de temps à autre, elle était taciturne. Je pense qu’elle s'en voulait de ne pas nous avoir écoutés. Une fois, je l’ai interrogée à propos des brûlures de cigarettes sur son visage. Elle m’a répondu qu'elles avaient été causées par de l'huile chaude alors qu’elle cuisinait. Je lui ai demandé pourquoi seul son visage portait ces marques et pas son bras, mais on aurait dit qu’elle essayait de cacher quelque chose. Je savais qu’elle n’était pas heureuse, mais j’ignorais que ça allait si mal. Au cours des deux mois qui ont précédé cette nuit fatidique, elle ne passait plus à la maison qu’en coup de vent. Les visites aux amis et à la famille étaient devenues rarissimes. Elle a dû refouler de nombreuses émotions à ce moment-là.
Un jour, alors que son mari l’avait sauvagement battue, elle est allée demander de l'aide au grand hôpital du canton, et le médecin qui l'a examinée a noté d’importantes lésions externes sur sa poitrine et sa jambe gauche. Cela n’a débouché sur rien. Quelques jours plus tard, elle a de nouveau été frappée. Elle est allée voir la police et des photos de ses blessures ont été prises. La police a cependant estimé qu’il ne s’agissait que d’une banale dispute de couple, d’une «question d’ordre privé».
La certitude que les hommes sont supérieurs aux femmes est encore très répandue au sein de la société chinoise. Quand des violences sont commises au sein de la famille contre la personne la plus faible, généralement une femme, la victime se dit qu’elle doit être patiente et pardonner, conformément au proverbe «une famille paisible sera une famille prospère» ou à l’expression «laver son linge sale en famille».