Le gouvernement chinois a interdit l'accès à la place Tiananmen à l'approche de la date-anniversaire. © Demotix/Steve Barru
Le gouvernement chinois a interdit l'accès à la place Tiananmen à l'approche de la date-anniversaire. © Demotix/Steve Barru

Chine 24 ans après Tiananmen, la parole reste bâillonnée

3 juin 2013
Les 3 et 4 juin 1989, des troupes de l’Armée populaire de libération écrasait des civils pacifiques sur la place Tiananmen. Des images qui continuent de hanter bien des esprits à travers le monde. Depuis 24 ans, les autorités chinoises rejettent les requêtes des militants qui demandent l’ouverture d’une enquête indépendante et transparente sur cette violente répression militaire.

Les autorités chinoises ont fait la démonstration de leur remarquable capacité à s’adapter aux changements économiques. Toutefois, elles font preuve d’une résistance obstinée face à des réformes qui permettraient d’améliorer la situation des droits humains. Elles montrent une tolérance plus que limitée à l’égard du travail des défenseurs des droits humains et persécutent bien souvent les défenseurs et leurs familles. Le gouvernement persécute également de nombreuses personnes qui critiquent la répression militaire de 1989 ou rendent publiquement hommage aux victimes.

Les tentatives visant à commémorer, débattre et réclamer justice pour ce qui s’est passé il y a 24 ans sont jugulées par la force. Les événements de 1989 demeurent un tabou majeur pour les autorités chinoises. Il n’est pas permis d’en débattre publiquement.Amnesty International demande une nouvelle fois l’ouverture d’une enquête transparente et indépendante, et exhorte les autorités chinoises à garantir les droits de leurs citoyens à la liberté d'expression, d’association et de réunion pacifique, inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et protégés par la Constitution chinoise et le nouveau Code de procédure pénale.

La «Grande muraille pare-feu de Chine»

Si les exilés ont émis des demandes répétées à ce sujet, la dynamique en faveur de la justice à l’intérieur de la Chine s’est heurtée à différentes difficultés. Un nombre croissant de membres des Mères de Tiananmen a exhorté les autorités chinoises à poursuivre et sanctionner les responsables. Cependant, plusieurs d’entre eux sont déjà décédés du fait de leur grand âge. Selon certaines informations, au moins quatre autres membres sont décédés en 2012, ce qui porte le total des décès à 32. En outre, nombreux sont ceux parmi les membres restants qui souffrent de problèmes de santé.

À l’approche de l’anniversaire de Tiananmen, les militants sont souvent victimes de harcèlement de la part des autorités, et sont notamment soumis à des détentions, des écoutes téléphoniques et des interdictions de voyager à l’intérieur de la Chine et à l’étranger. Yu Gang, militant installé à Shenzhen, n’a pas été autorisé à quitter son domicile, et son téléphone comme sa connexion Internet ont été suspendus. Yedu, cybermilitant, a été placé en résidence surveillée et s’est vu refuser tout accès à Internet. Li Hongwei, défenseure des droits humains, ainsi qu’une dizaine de personnes rassemblées pour commémorer l’anniversaire du 4 juin, ont été interrogées par la police de l’État. Selon certaines informations, Li Hongwei a été la dernière à être libérée après avoir été retenue pendant environ sept heures. Zhang Xianling, membre des Mères de Tiananmen, a reçu une mise en garde de la police lui recommandant de ne pas se rendre à Hong Kong avec son époux, invité en tant que conseiller lors d’un événement musical, sous prétexte que «la ville traversait une période chaotique». Le couple n’a pas tenu compte de cet avertissement et a poursuivi ses préparatifs de voyage ; mais l’organisateur de l’événement musical a ensuite annulé leur invitation, avançant que le 4 juin approchait et qu’il valait mieux pour eux éviter de se rendre à Hong Kong durant cette période sensible.

Dans un sur les progrès réalisés par la Chine en matière de droits de l’homme en 2012, le gouvernement chinois reconnaît l’importance d’Internet, devenu une plate-forme permettant «aux citoyens d’exercer leurs droits de savoir, de participer et d’être entendus». Cependant, pour ceux qui recherchent en ligne des informations sur le «4 juin», ou veulent publier leurs opinions sur ce sujet sur des réseaux sociaux, leurs tentatives restent vaines. La «Grande muraille pare-feu de Chine», système officiel de surveillance et de censure d’Internet, empêche les citoyens chinois d’avoir accès aux informations non approuvées par le gouvernement. Des mots et des groupes de mots tels que «4 juin», «Zhao Ziyang», «démocratie» et «droits de l’homme» seraient interdits. Tout commentaire contenant ces mots serait supprimé.

À l’approche du 24e anniversaire de la répression de Tiananmen, Amnesty International engage les autorités chinoises à prendre les mesures suivantes:

  • ouvrir une enquête transparente et indépendante sur la répression menée par l'armée en 1989 et amener les responsables présumés d’atteintes aux droits humains à rendre des comptes pour leurs actes;
  • reconnaître publiquement les violations des droits humains commises;
  • cesser de harceler et de poursuivre en justice ceux qui exercent pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression et de réunion, notamment ceux qui demandent une nouvelle analyse des manifestations de 1989 place Tiananmen et ceux qui souhaitent commémorer ces événements;
  • accorder des réparations aux victimes des manifestations pro-démocratiques de 1989 et à leurs familles.