Kim Jong-un et son père Kim Jong-il applaudissent une parade militaire. Pjongjang, octobre 2010. © AP
Kim Jong-un et son père Kim Jong-il applaudissent une parade militaire. Pjongjang, octobre 2010. © AP

Corée du Nord Mort de Kim Jong-il

20 décembre 2011
La mort du dirigeant nord-coréen Kim Jong-il suivie de la prise du pouvoir par son fils Kim Jong-un sera-t-elle une occasion d’améliorer la situation catastrophique des droits humains en Corée du Nord ? Le nouveau gouvernement doit rompre avec la politique du passé,  a déclaré Amnesty International.

Kim Jong-il, comme son père avant lui, a laissé s’embourber dans la pauvreté et le manque de nourriture et de soins médicaux des millions de Nord-Coréens, et envoyé croupir dans des camps pénitentiaires des centaines de milliers de personnes.

«Nous espérons que cette transition donnera l’occasion au nouveau gouvernement d’abandonner la politique brutale et désastreuse du passé», a déclaré Sam Zarifi, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

Mais des informations reçues récemment par Amnesty International laissent à penser que le gouvernement nord-coréen s’est débarrassé d’un grand nombre, peut-être des centaines, de responsables soupçonnés de constituer une menace pour l’accession au pouvoir de Kim Jong-un, en les faisant exécuter ou en les envoyant dans des camps pour prisonniers politiques.

La répression risque de s’intensifier

«Les informations dont nous disposons sur l’année qui vient de s’écouler font redouter que Kim Jong-un et ses sympathisants veuillent renforcer le nouveau régime en intensifiant la répression et en écrasant toute tentative d’opposition», a déclaré Sam Zarifi.

Dans les mois qui avaient suivi l’accession au pouvoir de Kim Jong-il après la mort en 1994 de son père Kim II-Sung, des dizaines de milliers d’opposants politiques présumés ou potentiels avaient été envoyés dans des camps de prisonniers politiques avec les membres de leurs familles.  Des opposants politiques avaient également été exécutés en secret ou publiquement à la suite de procès iniques ou sans même être jugés.

Amnesty International rassemble des informations sur les innombrables violations des droits humains en Corée du Nord depuis des années.

Droits humains : un bilan effroyable

La liberté d’expression et d’association sont pratiquement inexistantes. Des centaines de milliers de personnes soupçonnées de s’opposer au régime sont détenues dans des camps comme celui, célèbre, de Yodok, où jusqu’à trois générations de proches de prisonniers sont détenues.  Les prisonniers y sont soumis aux travaux forcés jusqu’à 12 heures par jour.

Pendant ce temps, plus d’un tiers de la population souffre des pénuries alimentaires, et le service de santé ne cesse de se détériorer. Amnesty International a reçu des informations faisant état de personnes survivant en mangeant des écorces et de l’herbe ; de l’utilisation de seringues non-stérilisées ; d’opérations chirurgicales pratiquées sans anesthésie.

«Selon les autorités, la Corée du Nord serait en train de devenir une "nation forte et prospère", a déclaré Sam Zarifi.  Pour ce faire, il faudrait que les nouveaux dirigeants mettent les droits humains à l’ordre du jour et fassent cesser la répression qui a caractérisé le régime de Kim Jong-il.»

Amnesty International demande encore une fois au gouvernement de la Corée du Nord, et aux pays donateurs, de veiller à ce que la nourriture soit équitablement distribuée à ceux qui en ont le plus besoin dans le pays.

«La population de Corée du Nord ne devrait pas avoir à souffrir de nouvelles privations du fait d’incertitudes politiques.»

Les pénuries alimentaires que connaît la Corée du Nord depuis le milieu des années 90 ont fait près d’un million de victimes dans le pays.  Des millions d’autres, et en particulier les jeunes enfants et les personnes âgées, souffrent de malnutrition chronique. Cette situation est due en grande partie à l’échec ou à l’effet contreproductif des politiques gouvernementales mises en œuvre sous le régime de Kim II-Sung puis de Kim Jong-il.

Revendications d’Amnesty International

Les autorités nord-coréennes et le nouveau dirigeant de la Corée du Nord doivent immédiatement apporter les améliorations suivantes en matière de droits humains :

- libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers d'opinion, et les membres de leur famille, détenus dans des camps pénitentiaires politiques. Tous les autres détenus doivent être remis en liberté, à moins qu’ils ne soient inculpés d’infractions reconnues par le droit international, maintenus en détention par un tribunal indépendant et qu’ils ne bénéficient d’un procès équitable ;

- mettre immédiatement fin au travail forcé, à la torture et aux autres formes de mauvais traitements à l’encontre des prisonniers, y compris tous ceux qui se trouvent dans des camps pour prisonniers politiques ;

- donner un accès immédiat et illimité aux organisations humanitaires internationales telles que le Programme alimentaire mondial des Nations unies, afin de s’assurer que la nourriture parvienne à ceux qui en ont le plus besoin ;

- combler les carences du système sanitaire, notamment en acceptant l’aide internationale, en collaborant et en donnant le plein accès aux intervenants afin que l’aide parviennent aux plus démunis ;

- mettre fin immédiatement aux exécutions secrètes et publiques ;

- diligenter des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales sur les allégations passées et présentes d’enlèvements et de disparitions forcées ;

- veiller à ce que le droit à la liberté d’expression et de religion garanti par la Constitution et les instruments internationaux relatifs aux droits humains y afférant soit pleinement respecté ;

- appliquer sans tarder les recommandations émises par les experts internationaux des droits humains ainsi que celles faites à la Corée du Nord dans le cadre de l’Examen périodique universel ;

- inviter dans le pays des observateurs indépendants tels que les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur le droit à la nourriture et les droits à la liberté d’opinion, d’expression, de religion et de croyance, ainsi que le rapporteur spécial sur la situation des droits humains en République populaire démocratique de Corée.