Environ 150 000 employées domestiques indonésiennes travaillent à Hong Kong dans des conditions souvent misérables. © Robert Godden / AI
Environ 150 000 employées domestiques indonésiennes travaillent à Hong Kong dans des conditions souvent misérables. © Robert Godden / AI

Hong Kong Des milliers d’Indonésiennes victimes de la traite des êtres humains

21 novembre 2013
Des milliers d’Indonésiennes victimes de la traite des êtres humains vers Hong Kong risquent de connaître des conditions de travail proches de l’esclavage comme employées de maison, tandis que les deux gouvernements concernés s'abstiennent de les protéger contre les abus et l’exploitation systématiques, a déclaré Amnesty International.

Un nouveau rapport, intitulé Exploited for Profit, Failed by Governments, montre comment des agences de recrutement indonésiennes et des agents de placement à Hong Kong se livrent à la traite de femmes indonésiennes dans le but de les exploiter et de les soumettre au travail forcé. Les violations recensées incluent des restrictions à la liberté de mouvement, des violences physiques et sexuelles, des privations alimentaires et de trop longues heures de travail, qui s’apparentent à de l’exploitation.

«Dès le moment où l’on abuse ces femmes afin de leur faire signer un contrat pour du travail à Hong Kong, elles sont prises dans le cercle vicieux de l’exploitation. Certains cas relèvent de l’esclavage moderne», a expliqué Norma Kang Muico, spécialiste des droits des migrants dans la région Asie-Pacifique à Amnesty International. Les conclusions présentées dans le rapport s’appuient sur de longs entretiens accordés par 97 Indonésiennes ayant travaillé comme employées de maison à l'étranger, et sont étayées par une enquête menée auprès d’environ 1 000 femmes par le syndicat des travailleurs migrants indonésiens.

On compte plus de 300 000 employés de maison étrangers à Hong Kong; environ la moitié de ces personnes sont originaires d'Indonésie, et il s'agit dans une immense majorité de femmes. Attirées par la promesse d'emplois bien rémunérés, ces femmes se retrouvent confrontées à une toute autre réalité.

Une femme a expliqué à Amnesty International qu’elle avait été battue par son employeur : « Il m’a donné un coup de pied alors qu’il était derrière moi, puis m’a traînée par les habits jusque dans ma chambre. Après avoir fermé la porte à clé, il m’a donné une gifle puis un coup de poing. Il m’a poussée à terre et m’a donné d’autres coups de pied. J’étais couverte d’ecchymoses, sur le visage, les bras et les jambes. Je saignais de la bouche et du front. »

Risques accrus par le gouvernement

Les manquements structurels des gouvernements hongkongais et indonésien à leur devoir consistant à protéger de l’exploitation les migrants travaillant comme domestiques sont mis en évidence dans le rapport. Les actions de certaines administrations exposent ces femmes à un risque accru d’abus. En Indonésie, les personnes souhaitant être embauchées comme employées de maison à l’étranger sont obligées de passer par des agences agrées par le gouvernement, notamment pour une formation préalable à leur départ.

Systématiquement, ces agences, et les négociateurs qui interviennent en leur nom, trompent ces femmes au sujet des frais qu’elles devront verser et des salaires, confisquent leurs papiers d’identité et d’autres biens à titre de caution, et leur facturent des frais dont le montant excède ce qui est prévu par la loi. L'intégralité des frais doit être versée au début de la formation, d’où les lourdes dettes contractées par les femmes qui veulent se retirer.

Contraception forcée

Des femmes ont par ailleurs signalé qu’une injection contraceptive leur avait été administrée de force ; ces pratiques ont lieu dans divers centres de formation. De nombreuses femmes ont affirmé que, souvent, les formateurs les raillaient, les insultaient et les menaçaient d’annuler leur demande d’embauche. La vaste majorité d’entre elles n’étaient pas autorisées à quitter librement les centres de formation.

Le rapport montre aussi que les agences de recrutement fournissent rarement aux travailleurs migrants des documents qu’elles sont pourtant légalement tenues de leur remettre, notamment leur contrat, une police d'assurance obligatoire et une carte d’identification pour leur embauche à l’étranger, ce qui limite en outre leurs voies de recours. L’immense majorité des femmes qui ont parlé à Amnesty International se sont vu confisquer leurs papiers par leur employeur ou l’agence de placement à Hong Kong. Près d’un tiers n’étaient pas autorisées à quitter le domicile de leur employeur.

Connivence internationale

Les agences de recrutement en Indonésie et les agents de placement à Hong Kong sont de connivence et vont au-delà de ce que la loi les autorise à facturer aux employés domestiques migrants. Amnesty International a découvert que les frais acquittés par la plupart de ces femmes dépassent largement les limites légales. Les agences contournent la loi en recueillant ces sommes excessives par divers systèmes annexes, notamment par l’intermédiaire de sociétés de prêt.

Malgré cela, le ministre hongkongais du Travail a révoqué la licence de seulement deux agences de placement en 2012, et d'une seule au cours des quatre premiers mois de 2013.