Manifestation anti-peine de mort en 2010.
© Rajput Yasir/Demotix
Où en est l'Inde en ce qui concerne la peine de mort?
L’Inde n’a procédé qu’à un très petit nombre d’exécutions depuis les années 90. Cependant, le viol en réunion brutal d’une jeune femme de 23 ans à Delhi l’an dernier a provoqué une forte augmentation des appels du public en faveur de l’imposition de la peine de mort.
Pourquoi l’Inde doit-elle abolir la peine de mort?
Le fait qu’un accusé soit condamné à mort ou non est arbitraire, et dépend d’un certain nombre de facteurs. ceux-ci vont de la compétence des avocats à l'intérêt que revêt une affaire particulière pour le gouvernement central, en passant par les préférences personnelles des juges. Par ailleurs, les aveux et témoignages jouent un rôle plus central en Inde que dans de nombreux autres pays, car il est moins fréquent que des éléments de preuve scientifiques, et notamment médicolégaux, soient produits devant les tribunaux indiens. La plupart des condamnations à mort sont prononcées sur la seule base de preuves indirectes. Même le recours à des témoins «professionnels» par la police est fréquent.
Pourquoi dites-vous que la peine de mort est discriminatoire?
En Inde, ce sont dans une grande majorité des cas impliquant les pauvres et les opprimés – victimes de préjugés de classe – qui débouchent sur une condamnation à mort. On voit rarement une personne riche ou aisée monter à la potence. Il est donc manifeste que la peine de mort, telle qu’elle est appliquée actuellement, est discriminatoire. Elle frappe en majorité les couches défavorisées de la société, trahissant ainsi sa nature arbitraire et capricieuse – ce qui la rend anticonstitutionnelle.
Vous avez exprimé des doutes à propos de l’exécution d’Afzal Guru, déclaré coupable d’avoir participé à un attentat en 2001.
Plusieurs tendances inquiétantes ont émergé avec cette affaire, il faut le souligner. Par exemple, la nouvelle du rejet de son recours en grâce par le président le 3 février 2013 a été tenue secrète et sa famille, en particulier, n’en a pas été notifiée. Afzal Guru a été mis à mort dans la semaine qui a suivi, sans que sa famille n'en soit informée, et il a été inhumé en secret. La qualité des éléments de preuve produits et de l’assistance juridique qu’il a reçue pendant le procès ont par ailleurs suscité de sérieux doutes.
La peine de mort a-t-elle un futur en Inde?
La tendance mondiale est de plus en plus, et de manière écrasante, favorable à l’abolition.
Ceux qui croient que l’exécution de quelques condamnés à mort apportera une solution à un taux de criminalité intolérablement élevé se font des illusions. Dans les faits, la peine capitale n’a pas d’effet dissuasif.
18 avril 2013