Un groupe de militants, parmi lesquels des étudiants, a pris part à une marche pacifique le 14 décembre 2010 afin de protester contre les injustices et contre les violations des droits humains commises par les forces de sécurité indonésiennes à l’égard des Papous. Le point d’arrivée de la marche était le terrain de Penerangan Sanggeng, à Manokwari, où d’autres militants politiques s’étaient rassemblés pour commémorer l’anniversaire de l’indépendance de la «Mélanésie occidentale». Ces militants appartiennent à un groupe ayant émergé en Papouasie vers le milieu des années 80 et revendiquant l’indépendance de la Papouasie sous le nom de «Mélanésie occidentale».
Au cours de la cérémonie, le «drapeau aux 14 étoiles», symbole de l’indépendance de la Mélanésie occidentale, a été brandi. Les forces de maintien de l’ordre du sous-district de Manokwari ont immédiatement réagi en dispersant la foule et en arrêtant cinq étudiants: Jhon Wilson Wader, Penehas Serongon, Yance Sekenyap, Alex Duwiri et Jhon Raweyai. Elles ont également appréhendé Melki Bleskadit et Daniel Yenu, deux autres militants politiques participant à la manifestation.
Pendant plusieurs mois, ces militants ont été forcés à dormir sur le sol mouillé de leur cellule de détention, au poste de police du sous-district de Manokwari, et ils ont tous les sept contracté le paludisme et perdu beaucoup de poids. Leur état de santé et leurs conditions de détention se sont améliorés depuis lors.
Inculpés pour «rébellion»
Ces sept hommes ont été inculpés de «rébellion» au titre de l’article 106 du Code pénal indonésien, infraction passible de la réclusion à perpétuité, et d’«incitation» en vertu de l’article 160.
Le procès de cinq des accusés, tous étudiants, s’est ouvert lundi 6 juin 2011.
Les droits à la liberté d’expression, d’opinion et de réunion pacifique sont protégés par la Constitution indonésienne et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Indonésie est partie. Si le gouvernement indonésien a le droit et le devoir de maintenir l’ordre, il doit veiller à ce que toute restriction pesant sur les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique n’aille pas au-delà de ce qui est autorisé par le droit international en matière de droits humains.
Amnesty International demande aux autorités indonésiennes d'abroger un règlement gouvernemental datant de 2007, qui interdit de déployer des drapeaux régionaux utilisés par des mouvements séparatistes. Amnesty International estime que ce règlement est contraire à l’esprit de la Loi spéciale relative à l’autonomie de 2001, qui accorde aux Papous le droit d’exprimer leur identité culturelle. En outre, l’interdiction d’agiter ces drapeaux ne saurait être considérée comme un motif suffisant pour restreindre la liberté d'expression et d’association telles qu’elles sont énoncées dans le PIDCP.
La liberté d'expression: le droit de prôner l'indépendance
Amnesty International ne prend aucunement position quant au statut politique des provinces d’Indonésie et n’appelle pas à leur indépendance. Cependant, l’organisation estime que le droit à la liberté d’expression comprend le droit de prôner pacifiquement le recours aux référendums, l’indépendance ou toute autre solution politique n'impliquant pas d’incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence.
Ces dernières années, Amnesty International a fait état de dizaines d’arrestations de militants politiques ayant revendiqué l’indépendance de manière pacifique, en particulier dans des zones dont l’histoire a été marquée par des mouvements pro-indépendance, comme la Papouasie ou les Moluques.
Filep Karma, prisonnier d'opinion, purge une peine de 15 ans de prison pour avoir pris part à une cérémonie pacifique en décembre 2004 à Abepura, en Papouasie, durant laquelle le drapeau interdit représentant l'«Étoile du matin», emblème de l'indépendance papoue, a été brandi.
Plus récemment, en août 2010, la police, en particulier le Détachement spécial 88, a soumis 21 hommes à une arrestation arbitraire dans la province des Moluques parce qu’ils préparaient des activités politiques pacifiques. Des policiers auraient torturé ou soumis à d’autres formes de mauvais traitements au moins 15 d’entre eux au moment de leur arrestation, détention et interrogatoire dans le but de les forcer à «avouer». Les 21 hommes ont été inculpés de «rébellion» et purgent actuellement des peines allant de neuf mois à trois ans de prison.