Indonésie Violences policières pour réprimer une manifestation pacifique

20 octobre 2011
Amnesty International demande la libération immédiate et sans condition de 14 personnes (au moins) actuellement détenues et interrogées par la police en Papouasie parce qu'elles se sont exprimées librement et pacifiquement.

Elles ont été arrêtées le 19 octobre 2011 parce qu’elles participaient au troisième Congrès du peuple papou, un rassemblement pacifique qui se tenait à Abepura, dans la province de Papouasie. Plusieurs personnes, notamment Forkorus Yaboisembut, Edison Waromi, August Makbrawen Sananay Kraar, Dominikus Sorabut et Gat Wenda, ont été inculpées de «rébellion» et d’ incitation» au titre des articles 106, 110 et 160 du Code pénal, et risquent la détention à perpétuité.

Coups de feu et mauvais traitements

Dans l’après-midi du 19 octobre 2011, qui clôturait le congrès, des unités de l’armée et de la police se sont avancées vers l’endroit du rassemblement pacifique et ont commencé à tirer en l’air pour disperser les personnes présentes. Cette intervention a provoqué la panique parmi les participants, qui se sont mis à fuir. Des policiers du commissariat de la ville de Jayapura et des services régionaux ont alors lancé des gaz lacrymogènes, puis ont arrêté arbitrairement quelque 300 participants. Ces derniers ont été détenus jusqu'au lendemain dans les locaux de la police régionale, avant d'être relâchés sans inculpation pour la plupart.

Selon certaines informations, les policiers et les militaires ont frappé les participants à coups de pistolet, de bâton en rotin et de matraque au moment des interpellations. Les corps de deux personnes, Melkias Kadepa, un étudiant, et Yakobus Samonsabra, ont été retrouvés près de l’endroit du rassemblement. Ils portaient des traces de blessures par balle. Dans la soirée du 19 octobre 2011, les forces de sécurité ont effectué une descente dans le séminaire Sang Surya d’Abepura. Elles auraient tiré des coups de feu dans l'une des pièces et ont arrêté une personne.

Le gouvernement indonésien doit enquêter immédiatement sur les allégations selon lesquelles la force publique a fait usage d'une force excessive pour disperser les participants à ce rassemblement, ainsi que les informations faisant état de mauvais traitements contre certaines personnes. La mort de Melkias Kadepa et Yakobus Samonsabra doit également faire l’objet, sans délai, d’une enquête indépendante et impartiale. S’il apparaît à l’issue des investigations que les forces de sécurité ont commis des violations des droits humains, les responsables présumés, y compris ceux exerçant des fonctions de commandement, doivent être traduits devant la justice dans le cadre de procédures conformes aux normes internationales d’équité; les victimes doivent recevoir réparation.

L’intervention manifestement brutale des forces de sécurité indonésiennes pour disperser le rassemblement pacifique est une violation patente des droits à la liberté d'expression, d’opinion et de rassemblement pacifique qui sont garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Indonésie est partie, ainsi que par la Constitution indonésienne. Le gouvernement indonésien a certes le devoir et le droit de maintenir l’ordre public, mais il doit veiller à ce qu’aucune restriction à la liberté d’expression et de rassemblement pacifique n’excède ce qui est permis par le droit international relatif aux droits humains.

En outre, les Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois prévoient que les agents de la force publique doivent avoir recours à des moyens non violents avant de faire usage de la force ou d'armes à feu. Le règlement sur l’usage de la force adopté par la police indonésienne en 2009 souligne également la nécessité de respecter les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité lorsqu’il s’agit de faire usage de la force.

Répression contre les personnes hissant pacifiquement le drapeau papou

Plusieurs milliers de personnes représentant diverses tribus de toute la Papouasie ont participé au troisième Congrès du peuple papou du 17 au 19 octobre 2011. Conformément à la loi, les organisateurs avaient informé la police de Jayapura de la tenue de ce rassemblement. Les participants à ce congrès pacifique ont, selon certaines informations, hissé le drapeau interdit de l’«Étoile du matin», emblème de l’indépendance papoue, et prononcé des déclarations indépendantistes. Durant toute la tenue du congrès, le lieu du rassemblement était encerclé par des policiers et des militaires – environ 500 selon les estimations. Ces dernières années, plus de 100 personnes été arrêtées, inculpées ou placées en détention pour avoir hissé le drapeau de l’«Étoile du matin» en Papouasie.

Amnesty International ne prend pas position sur le statut politique des provinces d’Indonésie ni sur les revendications d'indépendance. Cependant, l’organisation estime que le droit à la liberté d’expression comprend le droit de prôner pacifiquement le recours aux référendums, l’indépendance ou d’autres solutions politiques n'impliquant pas d’incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence.