Le rapport d’Amnesty, intitulé Time to Face the Past, revient sur l’échec des autorités indonésiennes dans leur mission consistant à établir la vérité sur des années de violence. Le conflit qui a opposé Mouvement pour l'Aceh libre (GAM) et le gouvernement indonésien a fait entre 10 000 et 30 000 morts, parmi lesquels de nombreux civils. Beaucoup de ceux qui ont vu leur vie détruite par le conflit continuent à souffrir terriblement.
«L’incapacité ou la réticence du gouvernement indonésien à faire en sorte que les victimes et familles de victimes aient véritablement accès à la vérité cause d’immenses souffrances à la population de l’Aceh aujourd’hui», a déclaré Isabelle Arradon, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. «Des parents de victimes ne savent toujours pas ce qui est advenu de leurs proches ayant "disparu" et éprouvent des difficultés à faire face tandis que les responsables restent en liberté. Cette situation alimente le ressentiment et risque de faire le lit d’un futur retour à la violence.»
Un grand nombre de ces atteintes aux droits humains constituent des crimes de droit international, dont de possibles crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Aux termes du droit international, l’Indonésie est tenue d’enquêter sur ces crimes et, lorsque suffisamment de preuves sont réunies, de poursuivre les suspects conformément aux normes internationales en matière d’équité des procès.
Des promesses non tenues
L’accord de paix de 2005 exigeait l’établissement d’un tribunal des droits humains et d’une commission Vérité et Réconciliation pour l’Aceh – ni l’un ni l’autre n’existent à ce jour. Les efforts visant à établir une commission Vérité à l'échelon national ont également échoué. Presque aucun des responsables présumés de violations graves des droits humains n'ont été traduits en justice, tandis que les mesures concernant les réparations aux victimes sont insuffisantes. Si le gouvernement indonésien et la Commission nationale des droits humains ont mené des enquêtes d’une ampleur limitée sur ce qui s’est passé en Aceh, les conclusions de celles-ci n’ont pas été rendues publiques.
Le manquement des autorités à leur obligation consistant à établir la vérité a contribué à créer une culture de l’impunité pour les graves violations des droits humains commises pendant le conflit. Pas un seul nouveau cas n’a donné lieu à l’ouverture de poursuites depuis la signature de l’accord de paix de 2005.
«Le fait que les auteurs de ces abus courent toujours a aujourd’hui de graves répercussions sur l'état de droit. Il n’existe actuellement aucun mécanisme de contrôle au sein des forces de sécurité qui permette d’identifier les personnes accusées de violations des droits humains.», a expliqué Isabelle Arradon. «En agissant sur la situation en Aceh, les autorités indonésiennes pourraient non seulement aider à guérir des plaies encore à vif mais également garantir la paix à long terme. cela enverrait un message fort aux autres victimes de violations des droits humains en Indonésie.»