Comme la communauté chiite, des ahmadis de Lombok ont été déplacés. © DR
Comme la communauté chiite, des ahmadis de Lombok ont été déplacés. © DR

Indonésie L'avenir reste incertain pour une communauté chiite déplacée

27 août 2013
Le gouvernement indonésien doit immédiatement prendre des mesures pour assurer le retour volontaire, dans la sécurité et la dignité, d'une communauté chiite de Sampang (île de Madura). Cette communauté est toujours déplacée, un an après une attaque meurtrière qui la visait. Cette situation remet en cause les engagements du gouvernement à résoudre le problème, et met en évidence une tendance plus générale des pouvoirs publics à négliger l'intolérance et les agressions visant les minorités religieuses du pays.

La communauté chiite de Sampang, sur l'île de Madura, a été expulsée et déplacée le 26 août 2012, après une attaque anti-chiite contre son village. Depuis lors, la communauté a vécu dans deux abris temporaires différents, dans de mauvaises conditions de logement et sans accès adéquat aux services de santé, à l'eau et aux infrastructures sanitaires. Beaucoup d'enfants ont dû arrêter l'école et sont encore traumatisés par les attentats. Cette expulsion forcée et ce déplacement persistant ont également eu un impact négatif sur les moyens de subsistance de la communauté (notamment leur capacité à travailler et à subvenir à leurs besoins). En effet, les adultes sont pour la plupart des cultivateurs de tabac, et désormais privés de leurs terres.

En juillet et en août, le président Susilo Bambang Yudhyono a rencontré des membres de la communauté chiite. Il leur a promis qu'ils reviendraient dans leur village et que leurs maisons seraient reconstruites. Une équipe de réconciliation a été constituée après la réunion de juillet. Cependant, la communauté attend toujours des résultats tangibles et reste incertaine quant à son avenir.

Les autorités ne fournissent toujours pas aux personnes concernées toutes les informations nécessaires, et ne les consultent pas véritablement sur leurs possibilités de retour. En tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC, article 11), l'Indonésie est légalement tenue de respecter, protéger et assurer la réalisation du droit à un logement suffisant, qui englobe l’interdiction des expulsions forcées.

Le président doit tenir ses promesses

Amnesty International demande aux autorités de faire en sorte que la population chiite puisse rentrer chez elle de son plein gré, en toute sécurité et dans la dignité, être indemnisée pour les torts subis – notamment les atteintes aux droits humains et dégâts causés aux maisons, dont certaines ont été détruites –, bénéficier de mesures de réadaptation et de restitution, et se voir accorder des garanties de non-répétition. Amnesty International demande aussi à la police de Sampang d'enquêter de manière approfondie sur tous les crimes du 26 août 2012 visant des personnes et des biens, et de poursuivre en justice ceux qui en sont responsables. Cinq personnes ont été condamnées à des peines allant de huit mois et à quatre ans d'emprisonnement pour «violences», «mauvais traitements» et «homicide». Une sixième personne censée être impliquée dans l'attaque a été acquittée.

L’organisation est également préoccupée par des allégations selon lesquelles les autorités et la police de Sampang auraient contraint certains membres de la communauté chiite restés au village à se «repentir» et à se convertir à l'islam sunnite pour pouvoir continuer à vivre sur les lieux. Les autorités et la police leur ont dit que leurs maisons seraient brûlées et que leur sécurité ne pourrait pas être garantie s'ils ne se convertissaient pas.

Cette affaire illustre le problème plus vaste de l'intolérance et des exactions visant les minorités religieuses du pays. Dans un contexte similaire, une communauté ahmadiyya de Lombok a passé plus de sept ans dans un abri temporaire, après avoir été déplacée à la suite d'une violente attaque en février 2006. Amnesty International continue de recevoir des signalements d'agressions et d'actes d'intimidation commis à l'encontre de minorités religieuses dans ce pays. Par ailleurs, les personnes qui commettent des actes de violence contre des minorités religieuses sont rarement punies.

Exigences constitutionnelles et internationales

Le droit à la liberté de religion est garanti par la Constitution indonésienne. De plus, l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Indonésie est partie, dispose que «ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix» et que «nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix».

Les autorités doivent donc veiller à ce que toutes les minorités religieuses soient protégées et autorisées à pratiquer leur culte sans craindre d’être menacées ou agressées. Elles doivent aussi enquêter sur toutes les allégations indiquant que des responsables gouvernementaux agissent directement pour faire renoncer de force à leur foi les chiites et les autres minorités.

Lors d'un discours à l'occasion de la fête nationale de l'indépendance [le 17 août], le président Yudhoyono a observé que l'Indonésie souhaitait accepter les différences religieuses, sociales, culturelles et autres, et a appelé les Indonésiens à pratiquer la tolérance en matière de religion. Il a également déclaré qu'il était inacceptable qu'une personne ou un groupe de personnes impose ses croyances aux autres, a fortiori en utilisant la menace, l'intimidation ou la violence. Dans cette optique, résoudre le problème de la communauté chiite de Sampang constituerait une avancée positive.