L'extraction de cuivre au Myanmar a entraîné de nombreuses expulsions forcées et une grave pollution, détruisant ainsi les moyens de subsistance de milliers de personnes. © Amnesty International
L'extraction de cuivre au Myanmar a entraîné de nombreuses expulsions forcées et une grave pollution, détruisant ainsi les moyens de subsistance de milliers de personnes. © Amnesty International

Myanmar Un eldorado pour le business?

Des sociétés minières canadiennes et chinoises ont tiré profit de graves atteintes aux droits humains et d'activités illégales dans le contexte du site d'extraction du cuivre de Monywa (où se trouve la mine de Letpadaung, tristement célèbre), avec parfois l'accord tacite des autorités du Myanmar, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public mardi 10 février 2015.

Intitulé Open for Business? Corporate Crime and Abuses at Myanmar Copper Mine, ce rapport expose les nombreuses expulsions forcées et la pollution que l'exploitation minière a entraînées, détruisant des moyens de subsistance et mettant en danger la santé de milliers de gens. La police a fait usage d'une force excessive lors de manifestations de la population, recourant dans un cas à des munitions contenant du phosphore blanc – une substance explosive extrêmement toxique.

Amnesty International a également recueilli des éléments attestant d'activités illégales, dont de possibles infractions à des sanctions économiques.

Des conditions «idéales» pour les entreprises

«Le Myanmar est un exemple de pays qui combine richesses naturelles, système juridique faible et économie sous l'emprise de l'armée et d'intérêts particuliers. Les autorités ont expulsé de force des gens, écrasé toute tentative de contestation pacifique et affiché leur réticence à amener les entreprises à rendre des comptes», a déclaré Danièle Gosteli Hauser, responsable de campagne Économie et droits humains à la Section suisse d’Amnesty International.

«Le projet de Monywa est un exemple édifiant en matière d'investissement dans le pays : les projets industriels et commerciaux y sont trop souvent caractérisés par des violations et les populations sont décimées au nom du profit. Les travaux de construction de la mine de Letpadaung doivent être suspendus immédiatement, tant que les questions relatives aux droits humains n'auront pas été résolues.»

Prudence de mise pour les investisseurs suisses

«Les gens qui vivent près de Monwya et de Letpadaung sont victimes depuis plus de vingt ans de violations de leurs droits, liées aux activités commerciales d'entreprises canadiennes, birmanes et aujourd'hui chinoises. Les investissements étrangers peuvent favoriser le développement du Myanmar, mais ce projet profite aux entreprises tout en étant néfaste à la population», a déclaré Danièle Gosteli Hauser.

La Suisse a été parmi les premiers Etats à ouvrir une ambassade dans le Myanmar, en novembre 2012. Les missions économiques se succèdent et les échanges commerciaux entre les deux pays sont en augmentation. «Les investissements étrangers sont très importants pour le Myanmar. Mais des problèmes aigus existent encore dans ce nouvel eldorado pour investisseur qui est loin d’offrir des garanties de respect des droits humains suffisantes aux investisseurs étrangers. La prudence est donc de mise pour les investisseurs potentiels en Suisse», a déclaré Danièle Gosteli Hauser.

Des règles juridiquement contraignantes pour les entreprises suisses

«Conformément aux Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits humains, celles-ci doivent éviter de se trouver impliquées dans de graves violations des droits humains. Il faudrait d’ailleurs pouvoir ancrer dans notre législation cette obligation de diligence pour les entreprises.»

«C’est pourquoi une vaste coalition d’organisations de la société civile, dont Amnesty, a décidé de lancer l’initiative populaire 'Pour des multinationales responsables'. L’initiative prévoit un devoir de diligence en matière de droits humains et d’environnement. Un tel devoir comprend une évaluation des risques, des mesures pour éviter des atteintes potentielles aux droits humains et à l’environnement et y mettre un terme, ainsi que la publication d’informations complètes sur les mesures adoptées. Ce devoir s’étend à toutes les relations d’affaires d’une entreprise», a expliqué Danièle Gosteli Hauser.


Complément d'informations

Le projet de Monywa inclut les mines de cuivre de Sabetaung et de Kyisintaung (S&K), ainsi que celle de Letpadaung. Les mines de Sabetaung et de Kyisintaung sont exploitées depuis les années 1980, celle de Letpadaung est en cours de construction.

En 1996, la société canadienne Ivanhoe Mines Ltd. et l'entreprise publique du Myanmar, Mining Enterprise No. 1 (ME1), ont créé une joint-venture, Myanmar Ivanhoe Copper Company Limited (MICCL), détenue à part égale par les deux sociétés. Cette joint-venture a exploité les mines de Sabetaung et de Kyisintaung.

En 2007, Ivanhoe Mines a décidé de céder les parts qu'elle détenait dans le pays, transférant ses actifs dans le cadre d'un mécanisme de fiducie.

En 2010, China North Industries Corporation (NORINCO) et l'UMEHL ont annoncé qu'elles avaient conclu un accord au sujet du projet de Monywa, incluant les mines de Sabetaung et de Kyisintaung et celle de Letpadaung. Des filiales de Wanbao Mining Ltd (détenue par NORINCO) exploitent aujourd'hui ces trois mines. Le détail du transfert des actifs de la joint-venture ME1-Ivanhoe Mines au partenariat entre la Chine et l'armée du Myanmar (Wanbao-UMHEL) n'a jamais été divulgué.

Amnesty International a contacté les sociétés mentionnées dans ce rapport pour connaître leur position sur les accusations portées à leur encontre. Les déclarations qu'elles ont, dans certains cas, accepté de faire ont été incorporées dans le rapport.

Communiqué de presse publié le 10 février 2015, Londres-Genève.
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