Les réfugiés rohingyas qui sont parvenus au Bangladesh sont nombreux à conserver leurs plus petites possessions près du cœur. © Ahmer Khan
Les réfugiés rohingyas qui sont parvenus au Bangladesh sont nombreux à conserver leurs plus petites possessions près du cœur. © Ahmer Khan

Myanmar Souvenirs sauvés des flammes

11 février 2019
Les Rohingyas qui se sont réfugiés au Bangladesh ne sont pas encore remis du traumatisme qu’ils ont vécu au Myanmar. Ahmer Khan s’est rendu à Cox’s Bazar pour les photographier avec l’objet le plus cher à leurs yeux qui les a accompagnés dans leur fuite éperdue, écrit Saad Hammadi.

En novembre dernier, lorsque la rumeur d’un possible retour de quelques milliers de réfugiés rohingyas s’est répandue, des centaines d’entre eux ont cherché un refuge dans d’autres camps de Cox’s Bazar afin d’échapper à un retour forcé et de ne pas être identifiés.

Dans les camps surpeuplés du sous-district d’Ukhiya dans la région de Cox’s Bazar, nombreux sont les réfugiés rohingyas encore sous le choc du traumatisme vécu au Myanmar. Le souvenir de leur fuite douloureuse les tourmente toujours.
Inayat-Ullah Inayat-Ullah, 10 ans: «Mes frères et moi avons apporté ce panier rempli de nourriture depuis le Myanmar. Il ne restait plus rien à manger avant même d'arriver à la frontière.» © Ahmer Khan

Les réfugiés qui sont parvenus au Bangladesh sont nombreux à conserver leurs plus petites possessions près du cœur.

Lors de cet exode brutal, certains n’ont emporté qu’une copie du Coran, d’autres leur carte d’identité.

D’autres encore ont emporté des objets essentiels, tels qu’une casserole ou une canne, comme celle grâce à laquelle Naseema Khatoon, centenaire, a accompli le dur périple.

Dans la région d’Ukhiya, certains sont restés bloqués des jours dans les forêts de part et d’autre de l’autoroute. Ils ont finalement réussi à se faire une place dans les camps déjà surpeuplés de Balukhali et de Kutupalong. Les réfugiés se sont contentés des plus minuscules parcelles qu’ils ont pu trouver pour dormir dans les camps délabrés s’étendant sur les pentes boueuses des collines.

Naseema Khatoon, 100 ans Naseema Khatoon, 100 ans: «J'ai réussi à marcher jusqu'au Bangladesh uniquement grâce à cette canne. C'est la seule chose que j'ai pu emporter de chez moi.» © Ahmer Khan

Les habitations de fortune faites de bâches et de tiges de bambou constituent des abris temporaires de 5 à 10 mètres carrés pour des familles rohingyas de quatre à 10 personnes.

Lors de cet exode brutal, certains n’ont emporté qu’une copie du Coran, d’autres leur carte d’identité.

Dolubibi, 65 ans: «Je n'ai rien pu sauver de chez moi. Ce chapelet est très important pour moi car je prie. Par contre, je n'ai pas pu emporter mon Coran.» © Ahmer Khan

La densité est très élevée dans les camps, avec 60'000 à 95'000 personnes au kilomètre carré. Elle est même supérieure à celle des villes les plus densément peuplées du monde. Près d’un million de réfugiés rohingyas se trouvent dans les camps qui s’étendent sur environ 25 kilomètres carrés. Les camps proches de Cox’s Bazar constituent le plus grand camp de réfugiés au monde.

Mosi-Ullah, 60 ans: «J'ai enroulé cette couverture autour de ma femme et je l'ai portée dedans jusqu'au Bangladesh. C'est tout ce que j'ai pu emporter avec moi du Myanmar.» © Ahmer Khan

Bien que confronté à des défis économiques et démographiques, le Bangladesh a généreusement ouvert un accès à son territoire à un nombre conséquent de réfugiés. Il s’agit d’un pays à faible revenu qui compte parmi les plus densément peuplés au monde. Pour trouver de l’espace pour les réfugiés, les autorités ont abattu des forêts sur les collines de Cox’s Bazar.

La Cour pénale internationale a ouvert un examen préliminaire sur les déportations des centaines de milliers de réfugiés rohingyas du Myanmar vers le Bangladesh.

Taslima, 6 ans. «Je ne sais pas comment elle a réussi à emporter cette crème pour le visage avec elle. Elle m'a dit: 'Je ne la laisserai pas'», a déclaré le père de Taslima. © Ahmer Khan

Il est indispensable que les organes internationaux poursuivent leurs efforts afin d’amener les auteurs des crimes à l’encontre des Rohingyas au Myanmar à rendre des comptes.

En attendant, tant que les conditions ne sont pas réunies pour garantir un retour sûr, digne et durable pour les réfugiés rohingyas, la communauté internationale doit partager la responsabilité de leur sort.

Josna Parveen, 21 ans: «Des soldats et hommes en uniforme ont brûlé mon village. J'adore me maquiller et je n'ai pu prendre que quelques fioles de notre maison avant de fuir.» © Ahmer Khan

Les pays doivent fournir une aide financière et technique au Bangladesh afin de répondre à la crise, mais ils doivent également envisager une réinstallation des Rohingyas dans des pays tiers sûrs dans l’éventualité où la situation de crise perdurerait, et les enquêtes et les procédures judiciaires pour les Rohingyas prendraient du temps, rendant tout retour prématuré et trop dangereux.

Mohammad Junaid, 11 ans: «J'ai apporté quelques livres parce que je veux lire et écrire, où que je sois. J'ai vu mon village en flammes. Maintenant j'étudie à l'école du camp.» © Ahmer Khan Musa Ali, 70 ans: «J'ai apporté ce panier parce que je l'avais fabriqué moi-même. J'ai mis des vêtements dedans mais je n'ai pas pu sauver mes papiers d'identité, mes photos.» © Ahmer Khan