Des milliers d'hommes et de garçons ont été arrêtés par les forces armées ; beaucoup se plaignent d'avoir été torturés. Ils disparaissent, incarcérés dans des lieux de détention secrets. Les très rares enquêtes menées sur de tels cas sont inefficaces.
Dans un nouveau rapport intitulé 'The Hands of Cruelty' - Abuses by Armed Forces and Taliban in Pakistan's Tribal Areas (pdf, 93 p.), Amnesty International souligne à quel point le vide juridique qui caractérise la région entretient une crise des droits humains.
«Après une décennie de violences, de dissensions et de conflit, les populations tribales continuent d'être la cible d'attaques, d'enlèvements et de manœuvres d'intimidation au lieu d'être protégées», affirme Polly Truscott, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d'Amnesty International.
Les garanties en matière de droits humains énoncées par la Constitution pakistanaise et les tribunaux ne sont pas applicables dans les zones tribales, où les forces armées invoquent de nouvelles lois très générales relatives à la sécurité, ainsi qu'un système pénal datant de l'époque coloniale pour commettre en toute impunité des violations des droits humains.
Les talibans et d'autres groupes armés représentent toujours une menace de mort pour la société pakistanaise - des milliers de personnes ont été tuées au cours des 10 dernières années lors d'attaques menées sans discrimination ou visant délibérément des civils.
Les talibans et d'autres groupes armés se rendent aussi coupables d'homicides brutaux, exécutant des membres des forces armées capturés ou des espions présumés. «Les populations tribales vivent dans la peur constante de représailles mortelles liées au moindre soupçon de soutien à l'État pakistanais, ou même, comme ce fut le cas de la jeune et courageuse militante Malala Yousafzai, pour avoir simplement tenté de défendre le droit à l'éducation», a ajouté Polly Truscott.
Bien que les forces armées pakistanaises aient repris aux talibans le contrôle de la plus grande partie des zones tribales au cours des trois dernières années, elles ont maintenu des milliers de personnes en détention arbitraire pendant de longues périodes sans qu'elles puissent bénéficier d'une procédure équitable.
Amnesty International a également recueilli des informations sur de nombreux cas de mort en détention. Polly Truscott affirme : «Presque chaque semaine des corps de personnes arrêtées par les forces armées sont restitués à leur famille ou retrouvés abandonnés à travers les zones tribales.»
Niaz* qui, avec son frère Ayub*, fait partie des personnes arrêtées et détenues par les forces de sécurité, a décrit dans les termes suivants le traitement subi en détention en avril 2012 : «Pendant les cinq premiers jours, ils nous frappaient constamment à coups de ceinture dans le dos ; la douleur était telle que je ne peux pas la décrire. [Les soldats] menaçaient de me tuer si je n'avouais pas appartenir aux talibans.»
Niaz a été libéré 10 jours après son interpellation, pour apprendre quelques heures plus tard que son frère était mort en détention. Un officier lui a dit qu'Ayub avait succombé à une «crise cardiaque» en détention. Toutefois, à la connaissance de l'organisation, les autorités pakistanaises n'ont pas effectué la moindre enquête sur les actes de torture qu'auraient subis Niaz et Ayub ni sur la mort d'Ayub, alors qu'il était détenu par l'armée.
Le cas de Niaz est à l'image même de la détention arbitraire et des traitement brutaux dont sont victimes les personnes détenues par les forces armées. Il est aussi symbolique du manque de détermination dont font preuve les autorités pakistanaises pour mener des enquêtes sérieuses sur les affaires de cette nature.
*Les noms ont été modifiés
Communiqué de presse publié le 12 décembre 2012, Londres, Lausanne.
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