La sénatrice Leila de Lima. ©DR
La sénatrice Leila de Lima. ©DR

Action lettre: Philippines / Action terminée Une sénatrice en prison sur la base de fausses accusations

Trois personnes qui avaient témoigné contre la sénatrice Leila de Lima, prisonnière d’opinion, sont revenues sur leurs déclarations. Les trois témoins ont dit que la police et des hauts responsables les avaient soumis à des contraintes et à des menaces pour les amener à accuser à tort la sénatrice d’implication dans un trafic de stupéfiants.

La sénatrice Leila de Lima, détenue au siège de la police nationale des Philippines depuis son arrestation le 24 février 2017, est l’une des personnes qui ont dénoncé le plus vigoureusement les violations des droits humains commises sous la présidence de Rodrigo Duterte. Au cours des cinq années qui ont suivi l’arrestation de la sénatrice, Amnesty International a déclaré à maintes reprises que les accusations portées contre elle étaient fausses et que les dépositions des supposés témoins à charge étaient forgées de toutes pièces.

Kerwin Espinosa, ancien témoin de l’accusation, avait affirmé avoir remis au total 8 millions de pesos (environ 152 000 dollars des États-Unis) issus d’un trafic de stupéfiants à Leila de Lima lorsqu’elle était ministre de la Justice, par l’intermédiaire de son ancien chauffeur et assistant Ronnie Dayan. Lors d’une audience au Sénat en 2016, Kerwin Espinosa avait déclaré que Ronnie Dayan l’avait appelé en 2015 pour lui demander de l’argent afin de financer la campagne sénatoriale de Leila de Lima, en contrepartie d’une protection, Kerwin Espinosa étant lui-même impliqué dans le trafic de stupéfiants. Dans une contre-déclaration soumise au ministère de la Justice le 28 avril 2022, Kerwin Espinosa est revenu sur son témoignage.

Sous le feu des accusations de l'État

Rafael Ragos, ancien chef par intérim du Bureau d'application des peines, avait témoigné qu’en 2012, il avait déposé à deux reprises de l’argent provenant de détenus de la prison de New Bilibid au domicile de Leila de Lima, à l’époque où elle était ministre de la Justice. Il avait ajouté que cet argent était destiné à financer la candidature de Leila de Lima au poste de sénatrice, et qu’il s’était mis d’accord avec Ronnie Dayan pour qu’elle reçoive 5 millions de pesos (95 000 dollars environ) par transaction. Rafael Ragos était alors poursuivi dans le cadre de la même affaire que Leila de Lima et Ronnie Dayan. Cependant, les charges retenues contre Rafael Ragos avaient été abandonnées quand il avait accepté de témoigner contre elle. Dans une contre-déclaration signée le 30 avril 2022, Rafael Ragos a dit avoir été contraint d’«inventer des histoires» contre Leila de Lima par Vitaliano Aguirre, ancien ministre de la Justice, et par d’autres hauts fonctionnaires. Vitaliano Aguirre a démenti ces allégations depuis lors.

Le 6 mai 2022, la sénatrice Leila de Lima a demandé officiellement au ministère de la Justice de réexaminer les charges à son encontre, compte tenu de la rétractation des témoins. Le 13 mai 2022, Ronnie Dayan, à la barre des témoins, a prêté serment sur une déclaration qu’il avait faite au préalable pour revenir sur son témoignage. Dans sa déposition de 2016, il avait prétendu avoir collecté de l’argent lié au trafic de stupéfiants auprès de Kerwin Espinosa pour le compte de son employeuse de l'époque, Leila de Lima, alors qu’elle était encore ministre de la Justice. Ronnie Dayan a déclaré que l’ancien député du Mindoro oriental, décédé en janvier 2021, l’avait contraint à témoigner contre Leila de Lima lors des enquêtes du Congrès de 2016 sur le trafic de stupéfiants dans la prison de New Bilibid.

En 2017, les autorités philippines ont arrêté la sénatrice Leila de Lima alors qu’elle tentait d’enquêter sur les violations commises dans le contexte de la «guerre contre la drogue», qui s’est traduite par l’exécution extrajudiciaire de milliers de personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants et par d’autres violations des droits humains, assimilables à des crimes contre l’humanité. Comme Leila de Lima, les victimes et leurs proches n’ont guère obtenu justice et les responsabilités n’ont quasiment jamais été établies.

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