Jeudi 14 octobre 2010, Amnesty International, Human Rights Watch et International Crisis Group ont annoncé dans une lettre conjointe qu'elles ne se présenteraient pas devant la Commission, faisant valoir que celle-ci ne satisfaisait pas aux normes internationales relatives aux enquêtes indépendantes et impartiales.
«Amnesty International serait ravie d'être entendue par une commission d'enquête crédible destinée à faire progresser la responsabilisation et la réconciliation au Sri Lanka», a déclaré Madhu Malhotra, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d'Amnesty International.
«Nous sommes convaincus que la tenue d'enquêtes nationales efficaces est le pilier de la protection des droits humains et de l'obligation de rendre des comptes. Mais la Commission sur les enseignements retirés et la réconciliation est très loin de satisfaire aux exigences requises.»
Commission ni indépendante ni impartiale
À l'instar de ses prédécesseurs, la Commission s'inscrit dans un contexte où le gouvernement s'abstient depuis longtemps de demander des comptes aux responsables et de remédier aux atteintes aux droits humains qui perdurent.
Dans un rapport de 2009 intitulé Twenty Years of Make-believe; Sri Lanka's Commissions of Inquiry, Amnesty International a dénoncé l'impunité qui sévit de longue date au Sri Lanka et l'échec de la Commission présidentielle d'enquête.
«Le mandat de la Commission sur les enseignements retirés et la réconciliation, sa composition, ses procédures et l'environnement des droits humains dans lequel elle opère sont autant d'éléments qui font que les victimes d'atteintes aux droits fondamentaux et leurs familles n'ont guère de chances d'obtenir un résultat fiable et satisfaisant», a regretté Madhu Malhotra.
«Il est particulièrement inquiétant qu'aucune disposition ne garantisse la protection des témoins et que d'anciens représentants de l'État ayant publiquement défendu le gouvernement sri-lankais contre les allégations de crimes de guerre siègent à la Commission.»
Témoignages
Amnesty International a reçu de nombreuses informations crédibles émanant de témoins selon lesquels les forces de sécurité gouvernementales comme les Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul (LTTE) ont commis de graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains durant le conflit armé, et plus particulièrement au cours des derniers mois d'affrontements.
L'organisation a repris certains de ces témoignages dans une synthèse publiée en 2009 sous le titre Sri Lanka: Unlock the Camps; Safety and Dignity For The Displaced Now. Cependant, aux termes de son mandat, la Commission n'est pas chargée d'enquêter sur ces allégations – exécutions sommaires, actes de torture, attaques contre des civils et des biens de caractère civil, et autres crimes de guerre notamment.
«Les centaines de civils qui ont souhaité témoigner devant la Commission à Killinochchi en septembre l'ont fait sans aucune garantie de protection ni réel espoir de justice. Ils ont ainsi mis en lumière le besoin de ceux qui ont survécu à la guerre d'obtenir justice et de savoir ce qui est arrivé à leurs proches portés disparus», a expliqué Madhu Malhotra.
Faire surgir la vérité et rendre justice
«Si le gouvernement sri-lankais est réellement déterminé à mettre en œuvre l'obligation de rendre des comptes et la réconciliation, il doit véritablement s'engager à faire surgir la vérité et à rendre justice à ces gens. Toute commission digne de ce nom doit se voir allouer un champ d'action et des ressources appropriés afin que chacun puisse être entendu équitablement et se voir conférer une autorité suffisante pour garantir réparation aux victimes. Enfin, elle doit traiter tous les témoins avec humanité et veiller à leur sécurité.»
Amnesty International a déclaré qu'elle avait à cœur de contribuer aux initiatives sincères qui ouvrent une voie équitable au Sri Lanka pour en finir avec des décennies de guerre civile et d'atteintes aux droits humains.