Ce rapport intitulé They took nothing but his life: Unlawful killings in Thailand’s southern insurgency, relève que les insurgés attaquent de manière délibérée des «cibles vulnérables» : des paysans, des enseignants, des étudiants, des dignitaires religieux et des fonctionnaires. Nombre de ces attaques constituent des crimes de guerre.
Près de 5000 personnes ont été tuées et des milliers blessées dans les quatre provinces du sud de la Thaïlande au cours des huit dernières années, depuis la reprise de l’insurrection.
«Les insurgés dans le sud de la Thaïlande répandent la terreur au sein de la population civile en prenant délibérément pour cibles des personnes qui ne jouent aucun rôle dans le conflit : personne n’est à l’abri des violences, a expliqué Donna Guest, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. Ils doivent s’engager publiquement à mettre immédiatement un terme aux exécution illégales.»
«Ils n'ont pris que sa vie»
Le rapport d’Amnesty International se fonde sur les témoignages de 154 victimes et témoins, proches et amis des victimes, recueillis entre octobre 2010 et juillet 2011. Ces témoignages apportent des précisions sur 66 attaques menées par les rebelles contre des civils dans trois districts du sud de la Thaïlande : Rangae dans la province de Narathiwat, Yarang dans la province de Pattani et Yaha dans la province de Yala.
Zakariya Wilson, récolteur de caoutchouc de 15 ans, a été tué par les insurgés dans le district de Yaha en septembre 2009. «Je ne sais vraiment pas pourquoi ils l’ont tué, ce n'était qu'un enfant, et un gentil garçon. Ils n’ont rien volé, ils n’ont pris que sa vie», a déclaré son père.
Depuis janvier 2004, les insurgés, pour la plupart des musulmans d’ethnie malaise, remettent violemment en cause l’État thaïlandais à majorité bouddhiste. Depuis cette date jusqu’en juin 2011, les deux tiers des personnes tuées dans le cadre du conflit étaient des civils, pour la plupart des musulmans qui, selon les insurgés, étaient trop proches du gouvernement ou refusaient de coopérer avec eux.
«Il semble que les rebelles attaquent pour une grande part les personnes même au nom desquelles ils sont censés lutter, détruisant leurs vies et leurs moyens de subsistance, a indiqué Donna Guest. Quelles que soient leurs revendications, elles ne sauraient justifier cette violation grave et systématique du droit international.»
Les gouvernements thaïlandais successifs ont tenté de juguler l’insurrection grâce à diverses initiatives politiques, mais aucun n’a réussi à faire réellement évoluer la situation.
L'Etat également responsable de violations des droits humains
«Le nouveau gouvernement thaïlandais doit de toute urgence accorder toute son attention au conflit qui sévit dans le sud du pays, où les habitants ont besoin de protection, a poursuivi Donna Guest. Cette région est toujours caractérisée par une culture de l’impunité des autorités. Il faut mener des enquêtes indépendantes sur toutes les exécutions illégales, notamment celles qui seraient le fait des forces de sécurité, et prendre les mesures qui s’imposent.»
Les actes de torture et autres atteintes aux droits humains imputables aux forces de sécurité thaïlandaises qui mènent des opérations anti-insurrectionnelles se poursuivent également. À la suite d'une attaque menée par les insurgés en janvier 2011 contre une base militaire dans la province de Narathiwat, au moins neuf suspects arrêtés par les forces de sécurité ont déclaré qu’ils avaient subi des tortures.
Pourtant, pas un seul agent de l’État n’a eu à rendre des comptes pour ces agissements ni pour d’autres violations présumées des droits fondamentaux. Par exemple, en octobre 2004, dans le district de Tak Bai, 78 détenus sont morts asphyxiés alors qu’ils étaient transférés par l'armée, entassés dans des camions.
«En définitive, c’est au gouvernement thaïlandais qu’il incombe de garantir le bien-être de tous ses citoyens. Au regard du droit international, et comme l’expérience l’a maintes fois démontré en Thaïlande et dans le monde, toute campagne anti-insurrectionnelle doit comporter une composante solide consacrée aux droits humains», a estimé Donna Guest.