Timor oriental Deux journalistes risquent la prison pour avoir dénoncé la corruption

14 mars 2013
Deux journalistes timorais risquent des peines d’emprisonnement pour avoir dévoilé une affaire de corruption au sein du système judiciaire.

Un tribunal de la capitale du Timor-Leste, Dili, doit rendre jeudi 14 mars son jugement concernant Oscar Maria Salsinha, du quotidien Suara Timor Lorosa’e, et Raimundo Oki, de l’Independente. Ces deux journalistes sont accusés de «dénonciations calomnieuses», infraction passible d’une peine maximale de trois ans de prison ou d’une amende. Ces accusations découlent d’articles distincts qu’ils ont rédigés le 31 décembre 2011 et le 2 janvier 2012 au sujet d’un procureur de district, qui aurait reçu un pot-de-vin dans une affaire d’accident de la circulation survenu le 18 octobre 2011.

«Ces deux journalistes se sont contentés de faire leur travail et d’exercer leur droit à la liberté d'expression, a estimé Isabelle Arradon, directrice adjointe du programme Asie et Pacifique d'Amnesty International. S’ils sont reconnus coupables, cela risque d’établir un dangereux précédent pour les journalistes et les défenseurs des droits humains au Timor-Leste. Le système judiciaire pourrait être utilisé pour faire taire les voix critiques. En outre, cela adresserait un message très inquiétant sur les questions plus larges de la liberté d'expression et des médias dans le pays.»

Une procédure inappropriée pour un délit civil

Les deux journalistes sont inculpés au titre de l’article 285 du Code pénal du Timor-Leste, qui érige en infraction les «dénonciations calomnieuses». Ces dispositions légales sont incompatibles avec le respect et la pleine protection de la liberté d’expression, telle que garantie par la Constitution timoraise et par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que le Timor-Leste a ratifié en 2003.

Le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire a dénoncé le recours aux procès en diffamation devant les tribunaux pénaux comme moyen de réprimer la liberté d’expression, précisant que les poursuites pour calomnie et diffamation écrite ou orale doivent être considérées par les autorités comme relevant du droit civil et non du droit pénal, et qu'elles ne doivent pas donner lieu à des peines d’emprisonnement. Le Comité des droits de l'homme de l’ONU a également souligné que l’incarcération ne saurait constituer une sanction adéquate dans des affaires de cette nature.

«Si chacun a le droit d’être protégé contre les atteintes illégales à sa réputation, il doit s’agir d’une procédure non pas pénale, mais civile, a poursuivi Isabelle Arradon. Si les deux hommes sont déclarés coupables et incarcérés, Amnesty International fera campagne pour leur libération immédiate et sans condition.»