«C’est un paradoxe d’interdire une conférence de presse dans laquelle il est question des voix qui sont systématiquement réduites au silence en Azerbaïdjan. En agissant ainsi, plutôt que de dévier l’attention sur les violations des droits humains, le gouvernement braque les projecteurs sur ses propres tentatives désespérées de faire taire toute critique autour des Jeux européens», a déclaré Denis Krivosheev , Directeur pour l'Europe et l'Asie centrale à Amnesty International.
Journalistes est militants réduits au silence
Dans le rapport intitulé Azerbaijan: the Repression Games. The voices you won’t hear at the first European Games, Amnesty International révèle qu’au cours de l’année écoulée, des journalistes, des défenseurs des droits humains, des opposants et de jeunes militants pro-démocratie azerbaïdjanais ont été harcelés, arrêtés, incarcérés, attaqués et torturés dans le cadre de la répression contre la dissidence qui monte en puissance à l’approche des Jeux européens.
«Depuis un an, les voix critiques sont systématiquement réduites au silence, à l’approche des Jeux européens. La société civile a été pratiquement anéantie par la politique du gouvernement, qui cherche à éliminer toute critique et utilise les Jeux comme un géant coup de pub pour redorer son blason», a déclaré Natalia Nozadze, chercheuse sur l’Azerbaïdjan à Amnesty International.
Totale contradiction avec la Charte olympique
«Il est difficile d’imaginer comment cette approche peut cadrer avec l’objectif de la Charte olympique de mettre le sport au service du développement harmonieux de la société, et avec sa volonté de promouvoir la dignité humaine et la liberté de la presse. Loin de faire progresser ces objectifs, l’héritage de ces Jeux incitera les régimes répressifs de par le monde à considérer les grands événements sportifs mondiaux comme un sésame permettant d’obtenir prestige et respectabilité sur la scène internationale.»
Prisonniers d’opinion
Amnesty International a recensé au moins vingt prisonniers d’opinion en Azerbaïdjan. Ils sont incarcérés uniquement pour avoir exercé sans violence leur droit à la liberté d’expression. Certains sont inculpés de fraude et d’évasion fiscale, depuis l’adoption de lois restrictives sur le financement et l’enregistrement des ONG en 2013. D’autres sont inculpés d’accusations fallacieuses, allant du houliganisme et de la détention de stupéfiants, à la trahison.
De nombreux militants et activistes ont quitté le pays, et ceux qui restent ont souvent trop peur pour dénoncer les atteintes aux droits humains commises par les autorités, en raison des menaces qui pèsent sur eux-mêmes ou leurs familles. Les médias indépendants sont quasi inexistants, et le gouvernement se sert des journaux et des chaînes de télévision qu’il détient ou contrôle pour calomnier ses détracteurs. Les atteintes aux droits humains commises par les autorités sont donc occultées.
L’été dernier, les autorités sont parties en campagne contre leurs principaux détracteurs, les arrêtant et les plaçant en détention provisoire. Depuis deux mois, alors que l’ouverture des Jeux européens se profile, certains ont vu leur détention provisoire prolongée, d’autres ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement.
Des procès iniques
Rasul Jafarov, fondateur de l'ONG Human Rights Club a été arrêté en août 2014. Il mettait au point une campagne intitulée «Le sport pour la démocratie» afin d’attirer l’attention de la communauté internationale sur la dégradation de la situation des droits humains dans le pays. En avril, il a été condamné à six ans et demi d'emprisonnement, pour des accusations forgées de toutes pièces : évasion fiscale et transactions commerciales illégales.
Leyla Yunus, militante des droits humains âgée de 60 ans, primée pour son travail, qui figure parmi les plus véhémentes et les plus en vue des critiques du gouvernement, a été arrêtée en juillet 2014, quelques jours après avoir appelé au boycott des Jeux européens en raison du bilan déplorable du régime en matière de droits humains. Son placement en détention provisoire, depuis son arrestation, vient d’être prolongé jusqu’après les Jeux. Elle aura passé un an derrière les barreaux sans jugement. Son époux Arif Yunus a été appréhendé cinq jours après elle. Ils sont tous deux détenus sur la base de fausses accusations, notamment de trahison, de transactions illégales, d'évasion fiscale, d’abus de pouvoir, de fraude et de fabrication de faux. Leyla Yunus et son époux souffrent de graves problèmes de santé et il leur est interdit de communiquer entre eux et avec des membres de leur famille.
Intigam Aliyev, célèbre avocat spécialisé dans la défense des droits humains, qui a soumis avec succès plusieurs cas de violations des droits humains à la Cour européenne des droits de l'homme contre l’Azerbaïdjan, a été arrêté en juillet 2014, pour des motifs fallacieux d’évasion fiscale et de transactions commerciales illégales. Il a été maintenu en détention jusqu’à l’ouverture de son procès au mois d’avril. Il a alors été condamné à sept ans et six mois d'emprisonnement.
Un reporter réfugié à l’ambassade de Suisse
En juillet 2014, les autorités ont gelé les avoirs de l'Institut pour la liberté et la sécurité des reporters (IRFS), une ONG qui monte au créneau pour défendre la liberté de la presse depuis 2006. Une descente a été effectuée dans les locaux de l’ONG, des documents et du matériel ont été saisis, et elle est fermée depuis lors. Des employés, dont le directeur Emin Huseynov, ont été interrogés. Lorsque ce dernier a été inculpé d’évasion fiscale et de transactions illégales, il s’est réfugié à l’ambassade de Suisse. L’ambassade lui ayant accordé un statut de protection humanitaire, il y demeure depuis août 2014. Il est convaincu que s’il part, il sera arrêté sur-le-champ.
Liberté d'expression piétinée
Le rapport d’Amnesty International montre également que l’Azerbaïdjan est un pays dangereux pour les jeunes militants en faveur de la démocratie. Des jeunes militants du mouvement bien connu NIDA, qui utilisent Facebook pour critiquer ou remettre en question les autorités, ou organiser des rassemblements pacifiques, ont été arrêtés et inculpés de détention d’explosifs et de planification d’actes visant à troubler l'ordre public. Amnesty International estime que ces accusations sont forgées de toutes pièces. Des membres de NIDA ont été battus et torturés afin de leur extorquer des «aveux». Shahin Novruzlu, militant âgé de 17 ans, a perdu quatre dents de devant lors de son interrogatoire.
«C’est le règne de la terreur, tout le monde a peur… Les attaques contre NIDA ont adressé un message fort à tous les militants : si le gouvernement peut briser NIDA, un groupe de jeunes éduqués et intelligents, alors il peut faire ce qu’il veut à toute personne qui osera s’exprimer», a déclaré Turgut Gambar, membre du conseil d’administration de NIDA.
Le Comité olympique doit faire pression sur les autorités azerbaïdjanaises
Amnesty International demande au gouvernement azerbaïdjanais de libérer tous les prisonniers d’opinion, immédiatement et sans condition, et de respecter pleinement la liberté d’expression, d’association et de réunion. La communauté internationale, notamment les gouvernements européens et le Comité olympique européen, doit faire pression sur les autorités azerbaïdjanaises à ce sujet.
«Le fait que l’Azerbaïdjan accueille les Jeux européens offrait une occasion précieuse de faire avancer la situation des droits humains dans le pays. Toutefois, le Comité olympique européen et la communauté internationale n’ont pas pris la défense de ceux qui tentent de s’exprimer, permettant ainsi aux autorités de paralyser progressivement une société civile indépendante et critique», a déclaré Natalia Nozadze, chercheuse sur l’Azerbaïdjan à Amnesty International.
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Communiqué de presse publié le 10 juin 2015, Londres - Genève.
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