Bosnie-Herzégovine Des nouveaux nés hors du système, faute d’une loi sur l’immatriculation

2 juillet 2013
Amnesty International estime que le retard d’adoption d’une nouvelle loi, encadrant l’immatriculation des bébés nés en Bosnie-Herzégovine, représente une attaque illégale contre les droits fondamentaux des citoyens du pays.

Début février 2013, la loi relative aux numéros d’identification des citoyens de Bosnie-Herzégovine a cessé d’être en vigueur, si bien que toutes les personnes nées depuis cette date ne sont pas immatriculées. En conséquence, les nouveau-nés ne peuvent pas obtenir de passeport, ce qui constitue une violation directe de la part des autorités bosniennes aux traités internationaux relatifs aux droits humains applicables en Bosnie-Herzégovine.

En l’absence de numéro personnel d’identification, les citoyens voient plusieurs de leurs droits humains menacés et, de fait, soumis à des restrictions illégales. Sont notamment concernés le droit de circuler librement et le droit à la nationalité, puisque les personnes dépourvues d’identifiant personnel ne peuvent pas obtenir de passeport ni d’autres papiers d’identité indispensables pour quitter librement le territoire et y revenir. Ces restrictions peuvent aussi avoir un impact négatif sur d’autres droits fondamentaux, par exemple le droit à la vie (article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, CEDH) et le droit à la santé (article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), puisque les personnes qui ne disposent pas des documents de voyage appropriés ne peuvent pas se faire soigner à l’étranger.

Mésentente parlementaire et manifestations

Le 5 juin, le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine a adopté une décision provisoire, valable pendant six mois, qui permet d’attribuer des numéros d’identification temporaires tant qu’une nouvelle loi n’aura pas été adoptée. Si le texte législatif qui a cessé d’être en vigueur figure depuis un moment à l’ordre du jour du Parlement, la Cour constitutionnelle du pays l’ayant notamment enjoint de légiférer en la matière, les députés ne sont pas parvenus à ce jour à s’entendre sur la nouvelle délimitation des régions déterminant le numéro d’identité à 13 chiffres assigné à chaque citoyen du pays.Le vide juridique créé par l’expiration de la loi dans ce domaine et l’incapacité des députés à s’entendre sur un nouveau texte destiné à la remplacer a entraîné une vague de manifestations antigouvernementales pacifiques dans tout le pays, les participants réclamant une solution à long terme.

Des conséquences fatales

La mort de la petite Berina Hamidovic, âgée de trois mois, qui s’est vu refuser les soins de santé dont elle avait besoin car elle ne possédait pas de numéro d’identification, a déclenché de nouvelles manifestations devant le Parlement bosnien, à Sarajevo, et dans d’autres villes du pays, plusieurs milliers de personnes dénonçant l’incapacité de la classe politique à légiférer. Née à Sarajevo le 17 mars, elle a subi, sans succès, une opération dans la capitale, de sorte que ses parents ont tenté de la faire soigner à Belgrade, en Serbie. Berina n’a, semble-t-il, pas pu être opérée à temps dans l’entité voisine, car les autorités ne l’avaient pas immatriculée. Après avoir été retenue pendant plusieurs heures à la frontière, elle est arrivée à Belgrade où elle est morte le 13 juin.

Libertés d’expression et de réunion sous surveillance

En outre, Amnesty International est préoccupée par les informations selon lesquelles des personnes ayant manifesté à Sarajevo feraient actuellement l’objet d’une enquête en vertu des dispositions législatives relatives à la «lutte contre le terrorisme», ainsi que par les mesures qui auraient été prises par le ministère de l’Intérieur de la Republika Srpska (RS) pour enquêter et surveiller les opinions et la participation des citoyens aux manifestations via les réseaux sociaux électroniques, mesures qui pourraient avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté d’expression et de réunion dans le pays.

Amnesty International engage le gouvernement de Bosnie-Herzégovine à prendre sans délai les mesures nécessaires pour veiller à ce que, dans le contexte de la proposition de loi sur les numéros d’identification, les droits fondamentaux des citoyens soient correctement protégés. L’organisation prie instamment toutes les autorités bosniennes de prendre en considération toutes les obligations internationales relatives aux libertés d’expression et de réunion qui sont les leurs avant d’établir un quelconque lien entre le mouvement récent de contestation et d’éventuelles inculpations pour terrorisme.