Au cours de la semaine du 24 octobre 2011, le ministère finlandais des Affaires étrangères a publié des informations révélant que quelque 150 atterrissages d’aéronefs liés aux programmes de «restitution» et de détention secrète de l’Agence centrale du renseignement (CIA) avaient eu lieu en Finlande; il a cependant fait savoir qu’il avait demandé des éclaircissements aux États-Unis au sujet d’un seul vol, bien que des questions subsistent sur plusieurs autres.
Le ministère a également déclaré que tous les vols figurant sur ces listes de données sauf un étaient de nature «civile» et donc sans rapport avec d'éventuelles activités illégales imputées aux États-Unis ou à tout autre État.
«S’il est encourageant que la Finlande ait rendu ces données publiques, il ne s'agit que d'une première étape», a déclaré Julia Hall, spécialiste de la question de la lutte antiterroriste et des droits humains à Amnesty International.
«Ces documents posent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses, et ils fournissent de nombreuses raisons de prolonger l’enquête. La Finlande est légalement tenue de le faire puisque nous savons que nombre des personnes ayant fait l’objet d’une «restitution» ont été soumises à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements.»
Distinction mensongère entre aéronef civil et gouvernemental
Les autorités finlandaises ont identifié un aéronef exploité par Miami Air, immatriculé N733MA, ayant relié la base de transit aérienne américaine de Manas (Kirghizistan) à la Finlande en décembre 2002. Cet avion a effectué un vol entre Helsinki et le Kirghizistan, puis est revenu à Helsinki le même jour. Les autorités américaines avaient contacté les autorités finlandaises à l'avance et demandé que les vols soient autorisés à atterrir. Le ministère finlandais de la Défense a accordé à l’aéronef l’autorisation de se poser.
«La distinction faite par le gouvernement finlandais entre aéronef «civil» et «gouvernemental» dans le contexte de la «restitution» est manifestement mensongère», a ajouté Julia Hall.
«Il est établi et largement reconnu que la CIA a affrété des avions privés – dont plusieurs apparaissent parmi les données récemment diffusées – dans le but de procéder à des «restitutions». La CIA s’est intentionnellement cachée derrière des compagnies aériennes civiles pour ses opérations de «restitution» secrètes, et maintenant le gouvernement finlandais dissimule intentionnellement la nature de ces aéronefs soi-disant «civils». Tous les vols suspects, et non pas seulement un, doivent faire l’objet d’une enquête plus poussée.»
On ne connaît toujours pas la source précise des données. Amnesty International soumettra une demande de suivi au gouvernement dans le but d’obtenir des informations complémentaires et des éclaircissements à propos de détails essentiels, par exemple: la provenance des données - plans de vol ou véritables registres d’atterrissage/de décollage; le nom complet des compagnies exploitant l’aéronef; le nombre de membres au sein de l’équipage et de passagers à bord de chaque vol; la trajectoire de vol complète pour chaque aéronef; et des précisions sur les éventuelles procédures de contrôle douanier ou de l’immigration effectuées.
Preuve du soutien finlandais du programme de «restitutions» de de la CIA
Malgré les affirmations du gouvernement finlandais, plusieurs vols font craindre que la Finlande n’ait apporté son concours au programme de «restitutions» de la CIA. Par exemple:
- en mars 2006, un vol – numéro d’immatriculation N733MA – s’est posé à Helsinki à la même date qu’il a atterri en Lituanie, d’après les autorités lituaniennes. Le gouvernement lituanien a admis avoir accueilli sur son territoire deux prisons secrètes de la CIA ayant été préparées pour recevoir des détenus;
- en juillet 2005, un vol – numéro d’immatriculation N1HC – en provenance de Kaboul (Afghanistan) a atterri à Helsinki. Un rapport du Parlement européen datant de 2006 avait établi que cet aéronef était lié au programme de « restitution»;
- en septembre 2004, un vol – numéro d’immatriculation N88ZL – en provenance de Bagram (Afghanistan) a atterri à Helsinki. Une étude rendue publique en 2010 par les Nations unies a indiqué que cet avion s’était posé en Lituanie le même jour. Amnesty International avait requis une enquête sur ce vol l’an dernier.
«Demander des informations aux États-Unis concernant leurs opérations secrètes est une voie sans issue, pas une enquête», a poursuivi Julia Hall.
«Les États-Unis ont déjà fait savoir qu’ils ne partageraient pas ce type de données, pas même avec des alliés proches. L’enquête peut et doit continuer en Finlande, avec un examen approfondi et transparent de ses propres données. Les affirmations du gouvernement finlandais selon lesquelles il a fait tout ce qui était en son pouvoir ne sont tout simplement pas crédibles. On ne connaît pas encore toute l’histoire.»
Amnesty International adressera une réponse plus détaillée au gouvernement cette semaine; elle sollicitera de plus amples informations et des éclaircissements. L’organisation continuera à réclamer un compte-rendu complet de l’implication de la Finlande dans le cadre des programmes de «restitution» et de détention secrète des États-Unis.