Les expulsions illégales de migrants et migrantes les poussent à emprunter des trajets dangereux. © AI
Les expulsions illégales de migrants et migrantes les poussent à emprunter des trajets dangereux. © AI

Grèce Expulsions illégales et scandaleuses de réfugiés et de migrants

29 avril 2014
L'Union européenne (UE) doit sanctionner le manquement de la Grèce à mettre fin à des pratiques banalisées et généralisées consistant à renvoyer les réfugiés et les migrants qui cherchent à franchir ses frontières dans l'espoir de trouver en Europe une protection, la sécurité et un meilleur avenir, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public mardi 29 avril 2014.

Intitulé Greece: Frontier of hope and fear, le rapport d’Amnesty International contient des éléments nouveaux sur les traitements infligés de façon persistante par les autorités grecques à celles et ceux qui risquent leur vie pour trouver refuge en Europe. Ces pratiques constituent une violation directe des obligations de la Grèce au regard du droit international relatif aux droits humains. Le rapport demande à l'Union européenne de faire usage de ses pouvoirs pour engager une procédure à l'encontre de la Grèce pour non-respect de ses obligations.

«La façon dont les réfugiés et migrants sont traités aux frontières de la Grèce est déplorable. Trop souvent, alors qu'ils recherchent un refuge, ils affrontent la violence et l'intimidation. Dans certains cas, ils ont été dépouillés de leurs vêtements, leurs affaires leur ont été dérobées, et parfois même une arme à feu a été braquée sur eux avant qu'on ne les force à franchir la frontière dans l'autre sens, vers la Turquie, a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

Responsabilité des autorités

«Ces renvois sommaires sont effectués par des agents de l'État. Les autorités grecques, à ce titre, sont totalement responsables de leurs actes. Les autorités doivent reconnaître franchement l'existence de cette pratique illégale et souvent dangereuse, et elles doivent y mettre fin.»

Les renvois sommaires sont des expulsions collectives de migrants que l'on force à franchir dans l'autre sens la frontière qu'ils viennent de passer. Ces actes sont assimilables à l'expulsion illégale d'un groupe de personnes, sans qu'il soit tenu compte des particularités de chaque cas et sans que ces personnes puissent former une demande d'asile. Les renvois sommaires sont explicitement prohibés par le droit grec, celui de l'Union européenne et le droit international.

Renvois massifs sur la frontière entre la Grèce et la Turquie

Deux sœurs qui fuyaient la guerre en Syrie ont décrit à Amnesty International le traitement que des policiers grecs ont infligé au groupe d'une quarantaine de personnes dont elles faisaient partie après que ce groupe eut franchi la frontière.

«Nous n'avions plus rien, que nos vêtements.»

Des hommes masqués en tenue sombre ont embarqué de force les migrants sur des bateaux en plastique et leur ont fait traverser l'Evros pour les ramener en Turquie. Une des deux sœurs a fait le récit suivant à Amnesty International : «Les policiers [...] nous insultaient, ils nous poussaient... Ils nous ont remis à des gens qui portaient des cagoules noires et des uniformes noirs ou bleu foncé. Ils [les hommes en cagoule] nous ont pris notre argent et nos passeports. Et puis ils nous ont emmenés en groupes dans des petits bateaux jusqu'à la rive turque - nous n'avions plus rien, que nos vêtements.»

Pertes humaines en mer

Trois adultes et huit enfants afghans et syriens sont morts lorsqu'un bateau de pêche transportant 27 personnes a coulé près de l'île grecque de Farmakonisi le 20 janvier 2014. Deux rescapés, qui ont perdu des membres de leur famille lors de ce naufrage, ont raconté à Amnesty International que leur embarcation avait coulé pendant que des garde-côtes grecs la remorquaient à vive allure, parcourant en zigzaguant l'étendue d'eau qui les séparait de la Turquie. Les autorités ont nié avoir mené en l'occurrence une opération de renvoi.

Le 6 mars 2014, les garde-côtes grecs ont tiré à balles réelles sur un petit bateau transportant 16 Syriens qui essayait d'atteindre depuis la Turquie l'île grecque d'Oinouses. Trois personnes ont été blessées.

La Forteresse Europe

Les orientations actuelles prises à Bruxelles, capitale de l'Union européenne, favorisent fortement la dissuasion et la prévention de la migration irrégulière plutôt que de fournir une protection à ceux qui en ont besoin.

À mesure que l'Europe s'entoure de murs de plus en plus hauts, les réfugiés et les migrants suivent des trajets de plus en plus dangereux. Dans la seule mer Égée, 188 personnes, adultes et enfants de tous âges, se sont noyées ou ont disparu entre août 2012 et mars 2014 - ce chiffre est un minimum.

«De toute évidence, les renvois enfreignent les lois de l'Union européenne. La Commission européenne doit agir rapidement pour engager une procédure à l'encontre de la Grèce en ce qui concerne cette pratique, et y mettre fin une fois pour toutes», a déclaré John Dalhuisen.