«Les Jeux olympiques sont censés contribuer à bâtir un monde pacifique et meilleur. Force est de constater que cet objectif n’a pas été atteint à Sotchi. La raison en est simple : la répression menée par la Russie s’est poursuivie avec la même intensité tout au long des Jeux et le mouvement olympique n’a pas remis en cause l’engagement du pays d’accueil envers la promotion des droits humains, a déclaré Sergueï Nikitin, directeur du bureau d’Amnesty International à Moscou.
«Le harcèlement, les détentions, les arrestations, les accusations forgées de toutes pièces et les procès iniques infligés aux militants sous les lumières flamboyantes des caméras du monde entier ont terni les Jeux. Cela n’augure rien de bon pour la suite, lorsque les médias internationaux quitteront la Russie.»
La liste des violations des droits humains commises dans le cadre des Jeux olympiques est longue.
Arrestations de militants
En plein milieu des Jeux, le 18 février 2014, neuf personnes ont été arrêtées dans le centre de Sotchi, dont Nadejda Tolokonnikova et Maria Alekhina, membres du groupe punk Pussy Riot et anciennes prisonnières d’opinion adoptées par Amnesty International. Le lendemain, plusieurs membres du groupe ont été giflés, fouettés et jetés au sol par des hommes en uniforme qui se qualifiaient de cosaques.
Un jour plus tôt, un militant transgenre originaire d’Italie, Vladimir Luxuria, a été interpellé à Sotchi pour avoir déployé une banderole arc-en-ciel sur laquelle était écrit «C’est OK d’être gay». D’autres militants et journalistes ont également été harcelés et parfois arrêtés.
«Il y a un moment où des arrestations de militants à Sotchi et aux alentours étaient signalées presque quotidiennement. Des militants qui ont tenté de protester contre la discrimination dans d’autres régions du pays, loin des projecteurs des Jeux olympiques, ont eux aussi été appréhendés», a déclaré Sergueï Nikitin.
Avant le début des Jeux, des militants ont mis le doigt sur des problèmes très préoccupants, notamment les expulsions forcées entreprises pour laisser la place aux infrastructures olympiques, les conditions de travail déplorables de travailleurs sous-payés et la destruction de sites naturels protégés d’une grande beauté. Ils ont été harcelés et arrêtés.
Militants écologiques arrêtés
Les militants Evgueni Vitichko et Igor Kharchenko, tous deux membres de l'organisation de défense de l'environnement Veille écologique pour le Caucase du Nord, basée dans le territoire de Krasnodar qui a accueilli les JO de Sotchi, ont été arrêtés séparément les 3 et 4 février respectivement. Ils ont été condamnés à une peine de détention sur la base d’accusations mensongères de houliganisme et de résistance opposée aux forces de l’ordre. Tous deux se trouvaient derrière les barreaux, tandis que les visiteurs de leur région natale de Krasnodar profitaient de la cérémonie d’ouverture des JO. Le prisonnier d’opinion Evgueni Vitichko a ensuite été condamné à trois ans de prison en raison de son militantisme écologique.
Veille écologique pour le Caucase du Nord avait dénoncé la destruction de forêts protégées et les dommages environnementaux causés par la venue des Jeux olympiques dans leur région. D’autres membres ont été victimes d’arrestations multiples, de brèves détentions, de fouilles et d’interrogatoires policiers. Des policiers et des agents de la sécurité les avaient avertis officieusement qu’ils feraient mieux de s’abstenir de manifester durant les Jeux de Sotchi.
«Le harcèlement infligé aux membres de cette organisation et l’incarcération d’Evgueni Vitichko furent le point culminant d’une campagne concertée visant à réduire au silence et à écarter toute critique à l’approche des Jeux olympiques de Sotchi», a déclaré Sergueï Nikitin.
Le CIO a fait la sourde oreille
À l’instar d’autres organisations de défense des droits humains, Amnesty International a demandé à maintes reprises au Comité international olympique (CIO) de condamner les arrestations et les actes de harcèlement visant les militants écologistes à Sotchi et dans la région, avant et pendant les Jeux, et de prendre en compte les graves atteintes aux droits humains liées à la préparation et à la mise en place des JO de Sotchi.
«Le silence du CIO concernant les violations des droits humains en Russie fut assourdissant. Certes, les Jeux olympiques devraient être au-dessus de la politique, mais pas au-dessus des droits humains. Au lieu de promouvoir l’égalité et les droits, les membres du CIO se sont exonérés de toute responsabilité, préférant croire à la version officielle servie par les autorités russes», a déclaré Sergueï Nikitin.