Oyub Titiev © Amnesty International
Oyub Titiev © Amnesty International

Coupe du monde en Russie Menacés et persécutés parce qu'ils s'engagent pour les droits humains

6 juin 2018
En Russie, une militante et deux militants sont sous pression en raison de leur engagement en faveur des droits humains. Lisez les histoires de ces défenseurs et défenseure des droits humains, pour lesquelles Amnesty s'engage avec une pétition ou un message de solidarité : Oyub Titiev, Andrey Rudomakha et Valentina Cherevatenko.

À l’approche de la Coupe du monde de football en Russie (du 14 juin au 15 juillet 2018), des militant·e·s sont opprimé·e·s à cause de leur engagement pacifique en faveur des droits humains. Amnesty International s’engage pour que ces personnes bénéficient d’une meilleure protection.

Avec une pétition, nous demandons la libération d'Oyub Titiev, prisonnier d'opinion de Tchétchénie, ainsi qu’une enquête pénale sur l’attaque brutale contre le défenseur de l’environnement Andrey Rudomakha. Nous appelons également à envoyer des messages de solidarité à la défenseure des droits des femmes Valentina Cherevatenko, appelée «agent de l’étranger».

Vers la pétition pour Oyub Titiev et Andrey Rudomakha

Vers les messages de solidarité pour Valentina Cherevatenko

OYUB TITIEV - Innocent en détention pour avoir dénoncé des crimes de guerre

Oyub Titiev est un défenseur des droits humains originaire de Tchétchénie. Il y dirige le bureau de l'ONG Memorial, qui s’engage à enquêter sur les crimes de guerre et contre l'impunité qui règne. Depuis le 9 janvier 2018, Oyub est emprisonné pour possession présumée de drogue: la police a fouillé son bureau et affirmé ensuite avoir trouvé de la marijuana dans sa voiture. Amnesty est convaincue qu’il s’agit d’une mise en scène et que les autorités ont placé Oyub en détention pour le faire taire.

Les mois précédant son arrestation, Oyub menait une recherche sur une affaire controversée : 27 Tchétchènes ont disparu sans laisser de trace après une descente de police et ont probablement été abattus par la police dans la nuit du 26 janvier 2017. Des médias critiques tels que le journal Novaya Gazeta ont largement fait état de l'incident.

Oyub est un prisonnier d'opinion. Il risque dix ans de prison pour son engagement en faveur des droits humains. Avec sa pétition, Amnesty demande que:

  • Oyub Titiev soit libéré immédiatement et sans condition ;
  • toutes les accusations portées contre lui soient abandonnées ;
  • le personnel de l’ONG Memorial ne soit plus harcelé ni intimidé.
Informations générales : les droits humains en Tchétchénie

La Tchétchénie est une république dans le Caucase du Nord (sud-ouest de la Russie) qui a connu deux guerres dans les années 90 et 2000, et est réputée pour son gouvernement autocratique et ses graves violations des droits humains. Au printemps 2017, la persécution violente et le meurtre d'hommes homosexuels présumés ont fait sensation à l'échelle internationale. Personne n'a été tenu responsable de ces crimes à ce jour.

Memorial est l'une des dernières organisations de défense des droits humains de la région, avec un bureau dans la capitale tchétchène Grozny. Cela fait des années que l'ONG et ses employé·e·s sont menacé·e·s. En 2009, l'assassinat de Natalia Estemirova, qui travaillait comme Oyub pour Memorial à Grozny, a été particulièrement tragique. Le crime n’a toujours pas été élucidé. Après l'assassinat de Natalia, de nombreux·ses employé·e·s ont cherché refuge à l'étranger et Memorial a cessé de travailler en Tchétchénie pendant cinq mois. La dernière attaque ne concerne pas seulement Oyub : dans les républiques voisines au Daghestan et en Ingouchie, les employé·e·s de Memorial ont reçu des menaces de mort ce printemps et un bureau a été incendié.

Des organisations et militant·e·s des droits humains sont sévèrement persécuté·e·s en Tchétchénie, accusé·e·s publiquement par des hauts fonctionnaires et chassé·e·s de la région. Celles et ceux qui, comme Oyub Titiev, se battent pour dénoncer les violations des droits humains ont besoin de la solidarité internationale!

© Dmitry Shevchenko

ANDREY RUDOMAKHA - Défenseur de l’environnement attaqué

Andrey Rudomakha est défenseur de l’environnement et directeur de l'ONG Environmental Watch for the North Caucasus (EWNC). L'organisation s’engage depuis plus de 20 ans pour la protection de l'environnement dans le Caucase du Nord, dénonçant des scandales impliquant de hauts fonctionnaires.

À l'approche des Jeux Olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi, EWNC avait fait campagne contre certains projets de construction. Un employé de l'ONG, Evgeny Vitishko, avait été emprisonné peu de temps avant les Jeux et était resté deux ans derrière les barreaux.

Le 28 décembre 2017, Andrey a été attaqué devant son bureau par trois personnes cagoulées et a été roué de coups. De nombreux indices suggèrent que l'attaque est liée à son engagement en tant que défenseur de l’environnement. Andrey venait de rentrer d'une mission dans une réserve naturelle au bord de la Mer Noire, où il avait documenté des cas de déforestation et exploitations illégales.

Les autorités ont d’abord ouvert une enquête pour "vol à main armée impliquant plusieurs personnes", parce que les assaillants avaient volé des sacs à dos, appareils photos et caméras. Andrey et ses collègues se sont toutefois engagé·e·s pour qu’une enquête pour « Atteinte à la vie d’un militant » soit menée, et ce également au niveau national car les chances d’avoir une procédure plus efficace sont plus élevées. L'enquête est actuellement bloquée malgré des preuves suffisantes contre les agresseurs (y compris des images de caméras de surveillance et des empreintes digitales). Les autorités semblent n'avoir aucun intérêt à exposer les faits et les auteurs du crime.

Quelques semaines après les faits, le 9 janvier 2018, Andrey a reçu un courriel anonyme avec des menaces de mort, et quelqu'un a anonymement posté sur son compte Facebook le message suivant: «Il n'y a pas de place à Kuban pour les gens qui dépensent de l'argent de l'étranger et, sous le prétexte de la protection de l'environnement, cherchent à détruire la Russie. Il vaut mieux pour toi que tu disparaisses...».

Dans une pétition, Amnesty demande que:

  • l'attaque d'Andrey Rudomakha fasse l'objet d'une enquête efficace et indépendante;
  • les menaces contre lui fassent l'objet d'une enquête;
  • les auteurs des actes soient tenus responsables.

zVg

VALENTINA CHEREVATENKO - Défenseure des droits des femmes appelée «agent de l’étranger»

Valentina Cherevatenko est la fondatrice et directrice de l'organisation des droits humains Women of the Don (Alliance des femmes du Don), l'une des ONG les plus reconnues de Russie, qui travaille sur les droits des femmes et des enfants depuis plus de 20 ans. L'ONG mène notamment des campagnes contre la violence domestique ainsi que des projets de promotion de la paix. Son siège est basé à Novocherkassk près de Rostov-sur-le-Don.

En juin 2016, Valentina Cherevatenko reçoit une plainte pénale pour avoir omis d'enregistrer son ONG en tant que «agent de l’étranger». Un an plus tard, elle est formellement inculpée, et risque alors deux ans de prison. Il s’agissait de la première plainte pénale contre un directeur ou une directrice d’ONG dans le cadre de la loi relative aux «agents de l’étranger».

Promulguée en 2012, cette loi oblige les ONG russes à s’inscrire en tant que «organisation exerçant les fonctions d’agent de l’étranger» lorsqu'elles reçoivent des fonds de l'étranger et prennent part à des «activités politiques». En 2014, le ministère de la Justice russe s'est vu conférer le pouvoir d'inscrire des organisations sur sa liste des «agents de l’étranger». L’Alliance des femmes du Don a été l'une des premières organisations à tomber sous le coup de cette loi.

En février 2016, l’Alliance des femmes du Don a été retirée de la liste, mais pas la fondation associée. En juin 2017, les charges contre Valentina sont abandonnées «en l’absence de crime». Valentina n’en est pas informée et l’apprendra, par hasard, plus d’un mois plus tard seulement.

Valentina a échappé de justesse à la prison l’an dernier. La pression sur elle et son organisation est encore énorme. Nous voulons lui donner du courage et la soutenir avec des messages de solidarité!

Informations générales : les effets de la loi sur les «agents de l’étranger»

La loi sur les «agents de l’étranger» a entraîné la fermeture de plusieurs ONG et rend le travail de presque toutes les organisations de la société civile beaucoup plus difficile. Elle nuit à la réputation des ONG concernées (tout le matériel public doit par exemple être signalé comme un « agent de l’étranger », ce qui complique la collaboration avec les instituts de formation et autres institutions publiques) et a des conséquences pénales. Amnesty part du principe que les autorités russes utilisent cette loi pour enlever tout esprit critique à sa société civile. En 2017, la loi a été étendue aux maisons de presse.