Le Kremlin / Image d'icône (droits expirés de l'image originale de cet article) © pixabay (dondelord)
Le Kremlin / Image d'icône (droits expirés de l'image originale de cet article) © pixabay (dondelord)

Russie La course aux élections locales à Moscou est marquée par des attaques sans précédent contre les droits fondamentaux

9 septembre 2019
Les autorités russes n’ont pas manqué d’imagination s’agissant de piétiner la liberté de réunion et d’expression à l’approche de l’élection de la Douma (Parlement local) de la ville de Moscou le 8 septembre et se livrent à une répression très inquiétante contre les droits humains en Russie, a déclaré Amnesty International le 6 septembre 2019.

«Cet été, les autorités ont fait tout leur possible pour étouffer les droits fondamentaux. Dans un climat marqué par un mécontentement croissant de la population moscovite et russe en général, elles ont recouru à toutes les manœuvres dont elles sont coutumières pour persécuter et intimider les voix dissidentes qui ne cessent de s’amplifier et sont même allées bien au-delà du script habituel, a déclaré Natalia Zviagina, directrice d'Amnesty International Russie.

De nombreux citoyens ont été soumis à des perquisitions intrusives, emmenés hors de chez eux ou arrêtés dans la rue la nuit. Natalia Zviagina, directrice d'Amnesty International Russie 

«Tout d’abord, elles ont adopté une approche clairement discriminatoire en disqualifiant certains candidats aux élections pour des motifs arbitraires, leur concédant une procédure d’appel fondamentalement déficiente. Lorsque des milliers de citoyens sont descendus dans les rues pour protester, la police antiémeutes est intervenue et a fait usage d’une force excessive. La police a clairement provoqué les violences, mais les manifestations sont restées globalement pacifiques. Plus de 2 600 personnes ont été arrêtées et des dizaines de manifestants pacifiques ont été frappés par les policiers.»

À la suite des manifestations du 27 juillet et du 3 août, des milliers de manifestants pacifiques et de passants ont été arrêtés et condamnés à des amendes exorbitantes. Les leaders des manifestations, réels ou présumés, ont été détenus de manière arbitraire pendant 10 à 30 jours, bien souvent à plusieurs reprises, en vertu de la législation administrative indûment draconienne. L’un d’entre eux, Ilia Iachine, président élu du conseil d'arrondissement de Krasnosselski, à Moscou, purge aujourd’hui sa cinquième peine administrative consécutive. Il a été arrêté la première fois le 29 juillet.

Afin d’isoler davantage les personnes arrêtées dans le centre-ville, certaines sont jugées devant des tribunaux éloignés rattachés aux zones périphériques de Moscou et celles qui sont condamnées à une «détention administrative» sont envoyées dans des prisons situées jusqu’à 70 kilomètres de la capitale.

Des enquêtes pénales absurdes contre les manifestants

Malgré le caractère majoritairement pacifique des rassemblements, les autorités ont ouvert des enquêtes pénales contre plusieurs participants – la plupart n’ayant commis aucun acte violent – en vertu d’au moins quatre articles du Code pénal. Ils sont notamment accusés d’«émeutes de masse», accusation sans fondement puisqu’il n’y a pas eu de troubles de masse. Certains sont inculpés d’avoir usé de violence contre les policiers.

L’un des accusés, Egor Joukov, un étudiant âgé de 20 ans, est inculpé d’avoir «organisé et mené des émeutes de masse» au motif qu’il aurait dit aux gens de ne pas s’approcher de la route et de rester sur le trottoir. Du fait de son caractère totalement arbitraire, cette accusation a été abandonnée et remplacée par le chef d’accusation d’«appels à se livrer à des activités extrémistes» en raison de ses vidéos postées sur YouTube il y a deux ans.

Il faut généralement des mois voire des années au système de justice pénale russe pour clore une affaire ; dans le cas présent, certaines personnes ont été inculpées et emprisonnées à la vitesse de l'éclair. C’est le cas de Konstantin Kotov, un manifestant pacifique. Il n’a fallu que trois jours aux enquêteurs pour boucler le dossier. Il a été reconnu coupable et condamné à quatre ans de prison. Son «crime»? Avoir pris part à plusieurs reprises à des rassemblements «non autorisés». Notons qu’il a été condamné pour un acte qui, selon la Cour constitutionnelle de Russie, ne devrait pas constituer une infraction.

«Les autorités se livrent à une campagne massive d’intimidation. De nombreux citoyens ont été soumis à des perquisitions intrusives, emmenés hors de chez eux ou arrêtés dans la rue la nuit. Au moins deux couples ont été menacés d’être privés de leurs droits parentaux pour avoir amené leurs jeunes enfants avec eux aux rassemblements. Se servir des enfants comme de pions contre leurs parents est un coup bas des autorités qui, nous l’espérons, ne se reproduira pas», a déclaré Natalia Zviagina.

Amnesty International demande aux autorités russes de mettre un terme aux procédures pénales engagées pour des accusations forgées de toutes pièces, notamment pour l’accusation inique d’«émeutes de masse» invoquée en vue de censurer le droit de réunion pacifique. Elles doivent libérer immédiatement et sans condition Konstantin Kotov et toutes les personnes arrêtées pour avoir voulu exercer pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Le gouvernement russe doit faire preuve d’un respect total à l’égard des droits de tous les citoyens, sans discrimination, et en particulier à l’égard des droits à la liberté de réunion pacifique et d’expression.

Complément d’information

Les citoyens sont descendus en nombre dans les rues de Moscou lors de rassemblements pacifiques, ce qui ne s’était pas vu depuis plusieurs années, pour protester contre l’interdiction faite aux candidats indépendants de participer à l’élection. Les agents électoraux de Moscou ont invalidé de manière arbitraire la candidature des politiques qui défient les candidats soutenus par le parti au pouvoir Russie unie et le maire de Moscou, fervents partisans du Kremlin.