Le 20 mars, Nazlie Bala, rentrant chez elle après sa journée de travail, a trouvé une lettre anonyme glissée sous sa porte. Cette lettre menaçait : «Ne protège pas la honte. Ou nous te tuerons.»
Nazlie Bala fait campagne en faveur d’un projet de modification de loi qui vise à garantir les droits des femmes ayant subi des crimes de guerre de nature sexuelle durant le conflit armé. Elle avait publiquement soutenu le projet lors d’un débat télévisé. Ce projet de modification de la loi sur le statut et les droits des martyrs, des invalides, des vétérans, des membres de l'Armée de libération du Kosovo, des victimes civiles de la guerre et de leur famille, met en avant la reconnaissance légale, le respect et la reconnaissance publique des victimes de violences sexuelles. Il vise à leur accorder des réparations, notamment sous forme de soutien financier et de réadaptation.
Le projet de loi, en réaffirmant la dignité des victimes de viol et le respect public qui leur est dû, remet en cause la notion de honte (à laquelle il est fait référence dans la lettre de menaces), qui empêche depuis si longtemps les femmes d’avouer publiquement les violations subies et de venir témoigner en vue d’engager des poursuites en justice, de peur que la honte ne s’abatte sur leur famille ou leur communauté.
«Plus de 10 ans après la fin de la guerre, des centaines de femmes continuent de vivre avec les conséquences du viol et d’autres formes de torture, sans avoir réellement accès à l’aide médicale, psychologique et financière dont elles ont besoin pour reconstruire leurs vies brisées. Pendant ce temps, la plupart des auteurs présumés d’infractions pénales ne font pas l’objet d’enquêtes», a indiqué John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.
À ce jour, très peu d’enquêtes ont été ouvertes sur les allégations de crimes de guerre de nature sexuelle au Kosovo et une seule action en justice pour viol, en tant que crime de guerre, est actuellement menée par la Mission de l’Union européenne au Kosovo, responsable des enquêtes et des poursuites pour tous les crimes relevant du droit international.
Amnesty International demande à la présidente Atifete Jahjaga de soutenir publiquement les droits des femmes victimes de crimes de guerre de nature sexuelle. Elle invite le Premier ministre et les membres du gouvernement du Kosovo à condamner publiquement les menaces visant Nazlie Bala. Elle exhorte le Service de police du Kosovo et le bureau du procureur à ouvrir immédiatement une enquête indépendante, impartiale et approfondie sur les menaces qu’a reçues Nazlie Bala, tout comme d’autres défenseures des droits humains. Elle demande aux autorités de protéger dûment ces femmes.