© Adrian Zahn
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Convention européenne des droits de l'homme La majorité n'est pas seule

Mai 2014
«Le peuple a toujours raison, la majorité a décidé.» Mais qui est «le peuple» – qui est cette majorité? Le peuple votant, justement, a fixé des limites à la démocratie directe – pour sa propre protection.

Une minorité soumise doit accepter la défaite – c'est bien ça, la démocratie directe. Le peuple a-t-il toujours raison? Qui est donc le peuple, lorsque le résultat d'une votation approche les 50%? Est-ce que les deux camps ont d'une certaine manière raison? Peut-on du reste parler d'une majorité, lorsque moins de la moitié des citoyens se rendent aux urnes?

Limites de la démocratie

Le résultat d'une votation populaire est bien sûr incontestable, aussi serré qu'il soit. Mais dans notre démocratie, la majorité ne peut pas non plus simplement décider seule de restreindre la liberté des minorités. Les citoyens et citoyennes ont inscrit dans la Constitution des garanties qui limitent la «tyrannie de la majorité» et protègent les minorités. La cohésion de notre pays, qui se distingue par ses quatre langues et ses spécificités régionales, en dépend.
Pour que les Suisses allemands ne passent pas outre les droits des Romands et des Tessinois, ou que les villes très peuplées ne dominent pas les régions rurales, la Suisse a instauré le principe de la majorité des cantons.

Droits fondamentaux et démocratie

Les droits fondamentaux protégés par la Constitution, comme la dignité, la liberté de croyance ou la protection de la vie privée, vont aujourd'hui pour nous de soi. La Suisse ne s'est pas contentée d'adhérer passivement à des organisations et à des conventions internationales qui défendent ces droits. Elle a au contraire contribué activement à construire cet arsenal de protection des individus! La Suisse a toujours eu a cœur de défendre ces principes – telles que la participation des citoyens, la séparation des pouvoirs ou le fédéralisme – au niveau international. Avec sa Constitution et les accords internationaux qui veillent sur le respect des droits fondamentaux, y compris en Suisse, le peuple a volontairement posé des limites à la démocratie directe. Et ça, justement pour protéger les droits fondamentaux de tous dans le pays.

La démocratie et ses abus

Mais nous sommes aujourd'hui sur la corde raide, comme le montrent certaines votations de ces dernière années. L'interdiction des minarets vise directement les droits d'une minorité religieuse. L'initiative sur l'internement à vie et celle sur le renvoi des criminels étrangers restreignent les droits des délinquants.

L'initiative est de plus en plus instrumentalisée pour s'en prendre aux minorités et pour miner les droits fondamentaux. Aujourd'hui, on s'attaque même aux conventions internationales qui protègent les droits fondamentaux, sous prétexte qu'elles seraient contraires à la démocratie directe et que des lois étrangères prendraient le dessus sur le droit de notre pays. Cette argumentation omet non seulement de dire qu'il ne s'agit en aucun cas de «droit étranger» qui nous serait imposé par des «juges étrangers», elle omet aussi de dire qu'en s'attaquant aux conventions internationales, on met en péril les fondements de notre démocratie.