Lorsque des gouvernements autoritaires restreignent les droits et libertés de leur population, la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) s’érige comme le dernier rempart, comme la ligne rouge qui ne saurait être franchie sans des conséquences graves. Lorsque l’État de droit s’effondre, lorsque les tribunaux sont soumis aux pressions politiques, la Cour européenne des droits de l'homme (CrEDH) constitue pour de nombreuses personnes la dernière possibilité de faire valoir leurs droits.
Il n’y a pas que l’acceptation de l’initiative de l’UDC qui puisse avoir des conséquences fatales pour la protection des droits humains en Suisse. Le simple lancement de cette initiative peut déjà servir d’argument à d’autres États pour attaquer les institutions des droits humains et les droits humains per se.
Voici ce que disent les expert·e·s internationaux en matière de droits humains au sujet de l’initiative dite des «juges étrangers»:
Zeid Raad Al-Hussein, Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU
«La Suisse est connue dans le monde entier pour sa défense du droit international. On identifie d’ailleurs presque le droit international à ce pays. Si la Suisse lance une attaque contre les droits fondamentaux, la réputation du pays en souffrira énormément… cela serait vraiment mauvais pour l’image de l’État de droit du pays.»
NILS MELZER, RAPPORTEUR SPÉCIAL DES NATIONS UNIES SUR LA TORTURE ET PROFESSEUR DE DROIT INTERNATIONAL À L'UNIVERSITÉ DE GLASGOW
«L'initiative populaire 'Le droit suisse à la place des juges étrangers' promet la démocratie directe, l'autodétermination, la souveraineté et un Etat de droit. Cependant, en réalité, elle vend à l'électorat l'automatisme des autorités, la mise sous tutelle de la Suisse, l'isolement et l'insécurité juridique. Un vrai loup déguisé en agneau !»
Manfred Nowak, professeur de droit international et de droits de l'homme à l'Université de Vienne
«La Convention européenne est la Magna Carta des droits humains en Europe et la Cour de Strasbourg est la cour des droits humains la plus efficace au monde. Ces réalisations d'une norme minimale et uniforme pour les droits humains en Europe ainsi que le contrôle judiciaire qui y est associé ne doivent pas être remis en cause de manière inconsidérée.»
Sergei Nikitin, ancien directeur d’Amnesty Russie
«Mon pays a peu de respect pour les droits humains. Le Kremlin n'utilise ce terme que s'il peut en tirer des avantages, notamment pour condamner l'Occident. La majorité des Russes comprennent à peine ce que sont les droits humains. La plupart des gens ignorent les violations des droits humains, ou même justifient ces violations en se basant sur la propagande de l'État. Nous espérons que la Suisse, célèbre pour sa neutralité et sa démocratie directe, enverra un signal clair lors de la votation populaire en faveur de la défense de la CEDH et des droits humains en Europe.»
Rachel Logan, Amnesty Grande-Bretagne, responsable du département droit et droits humains
«Jamais plus les horreurs de la Seconde Guerre mondiale ne devraient se répéter – c'était la promesse de la Convention européenne des droits de l'homme. Cet acquis est aujourd'hui menacé. La CEDH est dénigrée par une partie de l'élite politique en Grande-Bretagne, qui la traite d’«outil pour les terroristes et les criminels». Pourtant, la Convention garantit la protection de chaque citoyenne et citoyen en Europe. Le non-respect ou la dénonciation de la CEDH représenteraient un mauvais signal en direction des États de non-droit.»
Idil Eser, directrice d'Amnesty Turquie
«Sous couvert de l'état d'urgence, les autorités turques ont entrepris de démanteler la société civile, d'emprisonner les journalistes et les militant·e·s des droits humains, et de fermer les ONG. La conséquence est un climat de peur. La Cour européenne des droits de l’homme représente aujourd'hui le dernier espoir pour de nombreuses personnes qui sont persécutées en Turquie bien qu’étant innocentes. C’est la dernière garantie que la justice prévaudra malgré tout.»
Fanny de Weck, spécialiste suisse du droit international
«Ceux qui attaquent la Cour européenne des droits de l'homme ciblent généralement les acteurs nationaux, les institutions et les juges. Cela vaut aussi bien pour la Suisse que pour la Grande-Bretagne, la Russie ou la Turquie. Les droits humains sont universels et doivent être protégés et respectés au niveau international. Mais la lutte pour le respect des droits humains doit également l’emporter sur le plan national. L'engagement de la société civile en ce sens est d'autant plus important.»
Patrick Stewart, acteur et militant pour les droits humains
«La CEDH est d'une grande importance et son travail est crucial pour les processus démocratiques non seulement en Europe mais dans le monde entier. Elle doit rester intacte. Ni la Suisse ni la Grande-Bretagne ne peuvent s'en retirer. Ce serait catastrophique.»