Les relations entre le droit national et le droit international provoquent régulièrement des débats en Suisse. En 2018, le peuple et les cantons ont rejeté à une nette majorité « l’initiative pour l’autodétermination » de l’UDC et se sont prononcés en faveur d’une protection ambitieuse des droits humains par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).
Depuis l’arrêt d’avril 2024 dans l’affaire portée par les Aînées pour le climat, la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) fait une fois de plus l’objet de critiques. Dans une déclaration, les deux chambres du Parlement critiquent cette institution et demandent au Conseil fédéral de ne pas « donner d’autres suites » à son arrêt sur le climat.
Les discussions sur le droit international public sont les bienvenues, et la critique de certaines décisions de justice peut être constructive. La déclaration du Parlement remet toutefois en question la compétence de la CrEDH et affaiblit le principal instrument de protection des droits humains en Europe. Amnesty Suisse s’engage pour que la CEDH soit protégée et pour que les arrêts de la CrEDH soient appliqués.
La CEDH nous protège
La CEDH et la CrEDH nous protègent contre l’arbitraire de l’État : toute personne en Suisse qui estime que ses droits humains ont été bafoués peut saisir la CrEDH. Une affaire ne peut toutefois être portée devant la Cour que si toutes les voies de recours internes ont été épuisées.
Depuis 1999, les droits énoncés dans la CEDH sont également inscrits dans la Constitution fédérale. Cela n’offre toutefois pas une garantie suffisante, car des initiatives populaires peuvent en tout temps modifier la Constitution. Des dispositions de la Constitution ou de lois fédérales peuvent ainsi être contraires au droit international. La CEDH offre une certaine protection contre ce risque, et nous en bénéficions touxtes.
La Suisse peut apporter sa contribution
Les États membres du Conseil de l’Europe, dont la Suisse fait partie, peuvent contribuer à façonner la CEDH et l’action de la CrEDH. Grâce à l’ancien conseiller fédéral Alain Berset, nouveau secrétaire général du Conseil de l’Europe, et aux juges suisses (Andreas Zünd, représentant la Suisse, et Alain Chablais, représentant le Liechtenstein), la Suisse est particulièrement bien représentée. De plus, douze parlementaires provenant de tous les grands partis représentent la Suisse au Parlement du Conseil de l’Europe. Cette présence conséquente offre de nombreuses possibilités de participation. La Suisse devrait en profiter pour renforcer, de concert avec les autres États membres, la protection des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit en Europe.
L’Europe a besoin de garde-fous pour les droits humains
Les valeurs du Conseil de l’Europe – les droits humains, la démocratie et l’État de droit –, que la Suisse a inscrites dans sa Constitution, sont gravement mises à mal par la guerre et les gouvernements autoritaires en Europe. Toute tentative d’affaiblir la principale institution de protection de ces valeurs en Europe renforce les États qui ont rompu avec le droit international ou qui envisagent de le faire. En menaçant de ne pas appliquer un arrêt de la CrEDH, ou même de se retirer de la CEDH, la Suisse envoie un signal dangereux aux États de non-droit. Elle conforte les pays qui présentent des tendances répressives et une séparation des pouvoirs déficiente, ce qui peut conduire à une érosion des garde-fous de l’État de droit en Europe. Une mise en œuvre « à la carte » des arrêts de la CrEDH, voire une vague de dénonciations de la CEDH, non seulement mettrait en danger la base de valeurs communes et affaiblirait la protection des droits humains, mais elle conduirait aussi à une plus grande insécurité et instabilité en Europe.