«C’est la première fois que la Suisse est appelée à voter sur un thème en relation étroite avec l’islam et il y a fort à craindre qu’au-delà des discussions juridiques, des peurs plus ou moins diffuses ne jouent un rôle important dans le débat», relève Alain Bovard, juriste à la Section suisse d’Amnesty International.
Amnesty International publie un argumentaire pour montrer qu’une acceptation de l’initiative non seulement ne résoudrait aucun problème mais en créerait de nouveaux:
- L’initiative est contraire aux valeurs suisses: elle prétend vouloir protéger notre culture, mais la culture suisse est pourtant basée sur la liberté de religion. Les notions d’exclusion, d’arbitraire et de discrimination véhiculées par l’initiative sont contraires aux valeurs helvétiques.
- L’initiative est disproportionnée: l’ancrage dans la Constitution d’une interdiction générale et sans exceptions de construire de nouveaux minarets représenterait une atteinte disproportionnée à certains droits fondamentaux garantis par la Constitution fédérale, notamment le principe de l’égalité devant la loi, la liberté de croyance et de conscience et l’interdiction de la discrimination.
- L’initiative est discriminatoire: Selon l’art. 8 de la Constitution fédérale, «Tous les êtres humains sont égaux devant la loi» et «nul ne saurait être discriminé». Or cette initiative aurait pour conséquence une inégalité de traitement car on ferait figurer dans la Constitution un seul type de bâtiment religieux. De plus, elle ne ferait que renforcer les peurs et les sentiments xénophobes d’une partie de la population, ainsi que les discriminations dont sont déjà victimes les musulmans de Suisse dans leur vie de tous les jours. Il est par ailleurs vraisemblable que, en cas d’acceptation de l’initiative, la Cour européenne des droits de l’homme condamnerait la Suisse pour le cas ou une plainte serait déposée contre elle pour violation de l’article 9 de la CEDH.
- L’initiative est inutile: Elle a notamment été lancée pour répondre aux craintes de voir les musulmans et musulmanes de Suisse imposer certains préceptes de leur religion qui mettraient en danger les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique suisse. La législation actuelle prévoit pourtant déjà des mesures qui garantissent le respect des droits fondamentaux. La Constitution et l’ordre juridique s’appliquent naturellement aux musulmans et musulmanes de Suisse comme à tous les autres habitants de notre pays.