Interview de Giusep Nay

Giusep Nay est l'ancien président du Tribunal fédéral et actuel président de la Société pour les minorités en Suisse. AMNESTY: En quoi l’initiative anti-minarets viole-t-elle le droit international? G

Giusep Nay est l'ancien président du Tribunal fédéral et actuel président de la Société pour les minorités en Suisse.

AMNESTY: En quoi l’initiative anti-minarets viole-t-elle le droit international?

Giusep Nay: L’initiative viole clairement la Convention européenne des droits de l’homme: l’article 9 (liberté de religion et de conviction) et l’article 14 (interdiction de la discrimination), ainsi que le Pacte de l’ONU relatif aux droits civils et politiques, notamment l’article 2 (également sur l’interdiction de la discrimination) et 18 (liberté de religion et de conviction), et probablement aussi l’article 27 (protection des minorités). L’interdiction générale et absolue de construire des minarets ne laisse possible aucune pesée des intérêts et donc aucune interprétation conforme au droit international. L’initiative contredit ainsi les conventions nommées, pourtant ratifiées par la Suisse.

Pourquoi le Conseil fédéral et le Parlement ont-ils déclaré cette initiative valide, si elle viole le droit international?

Selon l’article 139, alinéa 2, de la Constitution, seule l’Assemblée fédérale peut invalider totalement ou partiellement une initiative, et ceci uniquement lorsqu’elle contrevient à des dispositions contraignantes du droit international. Selon la pratique dominante – toutefois contestée – seules les interdictions de la torture, du génocide et de l’esclavage, les garanties en cas d’état d’urgence de la Convention européenne et les principes généraux du droit international humanitaire valent comme des dispositions contraignantes. Les conventions nommées plus haut ne sont pas comprises dans cette liste.

Que se passera-t-il au niveau juridique si l’initiative est acceptée?

Elle ne pourra pas être appliquée. En cas de refus de construction d’un minaret, basé uniquement sur l’interdiction générale qui figurerait dans la Constitution fédérale, le Tribunal fédéral pourrait lever ce refus et autoriser la construction, sur la base de la primauté du droit international. Ou alors la Suisse serait condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg pour violation de la Convention européenne et le Tribunal fédéral devrait, conformément à l’article 122 de la Loi sur le Tribunal fédéral, autoriser la construction du minaret.


Publié dans «AMNESTY IN ACTION» du mois de septembre 2009