Discussion sur la détention à l‘isolement Il est urgent d‘agir

Juin 2014
Le 26 juin, Amnesty International et l’Association pour la prévention de la torture (APT) ont organisé une table ronde intitulée „ Détention à l’isolement dans les quartiers de haute sécurité“. Conclusion : Il est urgent d’agir pour mettre la pratique de la détention à l’isolement en Suisse en conformité avec les normes légales. Une volonté de dialogue existe à ce propos.

Table ronde Table ronde, 26 Juin 2014, Berne © AI

Plus de 80 personnes, pour la plupart des spécialistes du domaine de la justice, du droit ou de l’application des peines, ont suivi la table ronde organisée le 26 juin à Berne sur le thème « Détention à l’isolement dans les quartiers de haute sécurité ». L’intérêt soulevé montre que le sujet est d’actualité et, tout au moins dans les cercles spécialisés, un sujet brûlant.

La Commission nationale pour la prévention de la torture (CNPT) a publié deux jours plus tôt son rapport annuel, dont le chapitre principal est justement consacré à ce thème. Le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH), a lui-même publié début juin une expertise exhaustive sur la question, mandatée par l’Office fédéral de la justice.

En Suisse, environ 35 personnes sont actuellement détenues à l’isolement dans des quartiers de haute sécurité, c’est-à-dire seuls, physiquement complètement isolés des autres détenus, dans une cellule dont ils ne sortent que pour une promenade quotidienne d’une heure. Environ un tiers de ces personnes subissent ce régime depuis plus d’un an et dans quelques cas depuis cinq à douze ans.

Normes légale pour la détention à l‘isolement

La table ronde organisée par Amnesty International et l’APT a fourni l’occasion de rappeler le cadre juridique applicable pour la détention à l’isolement et de discuter de diverses recommandations pour leur mise en pratique.

La question de la conformité de la détention à l’isolement avec les normes internationales a été traitée à plusieurs reprises ces derniers temps et les différentes institutions qui se sont penchées sur la question ne sont pas unanimes dans leurs conclusions. C’est ainsi que le rapporteur spécial des Nations Unies contre la torture considère une détention à l’isolement comme problématique dès lors qu’elle dépasse deux semaines alors que d’autres organismes sont moins stricts sur la question.

Il est incontesté cependant que la détention à l’isolement, lorsqu’elle est prolongée, induit systématiquement de lourdes atteintes aux droits fondamentaux des détenus concernés et que, par conséquent, la mesure doit être soumise au respect du droit international et à une surveillance stricte de manière à ce que soit respecté le principe de proportionnalité.

La situation en Suisse

La CNPT et le CSDH sont pour l’essentiel d’accord en ce qui concerne la problématique de la détention à l’isolement dans les quartiers de haute sécurité en Suisse. La CNPT formule les recommandations suivantes :

  • Les bases égales de la détention dans les quartiers de haute sécurité sont interprétées de manière très diverses selon les cantons. Une harmonisation par le biais de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police et/ou des concordats inter cantonaux est recommandée.
  • La mesure de détention à l’isolement en raison d’un risque de fuite ou de trouble du fonctionnement de l’établissement est particulièrement préoccupante dès lors qu’elle est dépourvue de base légale.
  • Des lacunes existent dans les garanties de procédure et dans la prise en compte des normes internationales. La CNPT demande notamment que la décision de placer une personne à l’isolement soit revue tous les trois mois par une instance indépendante.
  • On constate avec grande préoccupation que la majorité des détenus placés dans les quartiers de haute sécurité sont des personnes souffrant de troubles psychiques qui devraient être placés de préférence dans des établissements psychiatriques fermés où ils pourraient être traités.
  • La CNPT recommande enfin de développer la possibilité d’occupations pour les détenus placés à l’isolement et de faciliter autant que possible les contacts avec le monde extérieur (par exemple en autorisant des visites dans des locaux dépourvus de vitres de séparation).
Une discussion constructive est encore nécessaire

Le fait que la discussion menée par des experts et par des responsables politiques et administratifs – allant d’une Conseillère d’Etat, à une représentante d’ONG en passant par un Directeur de prison – ait été aussi constructive et ouverte montre bien qu’il existe un intérêt à l’échange et à une recherche de solutions constructives dans le domaine.

Le rapport de la CNPT offre une base sérieuse pour la poursuite nécessaire de la discussion. Il ne se contente pas de rappeler les principes juridiques à respecter mais propose également des mesures concrètes qui pourraient être mises en œuvre aussi bien au niveau politique que dans la pratique des établissements d’exécution de peines et de mesures.