Selon les médias, le Conseil fédéral s’apprêterait à lever partiellement le moratoire décrété sur les exportations d’armes au Proche-Orient. Il est surtout question de la vente au Qatar de véhicules blindés de type Piranha fabriqués par la firme MOWAG. Amnesty International est très préoccupée du fait que des équipements militaires suisses puissent à nouveau être vendus dans cette région, où la crise humanitaire n’a fait que s’aggraver depuis l’introduction du moratoire en mars 2015.
Des recherches menées par Amnesty International indiquent que l’alliance conduite par l’Arabie Saoudite au Yémen - et à laquelle appartient le Qatar - aurait commis des crimes de guerre. Elles montrent également que l’entité connue sous le nom d’ «État Islamique» possède des armes qui lui ont été livrées par des États comme le Qatar.
Indices de crimes de guerre au Yémen
Un rapport intitulé «Nowhere safe for civilians: Airstrikes and ground attacks in Yemen» publié par Amnesty en août 2015 renforce le soupçon de crimes de guerre commis au Yémen par toutes les parties au conflit. Huit attaques aériennes ont été analysées en détail et il a été démontré que l’alliance menée par l’Arabie saoudite a bombardé des régions peuplées par des civils, en opposition avec le droit international humanitaire.
Dans un autre rapport, «Bombs fall from the sky day and night: Civilians under fire in northern Yemen» daté d’octobre 2015, Amnesty analyse treize autres attaques aériennes qui ont provoqué la mort d’une centaine de civils parmi lesquels 59 enfants. Le rapport documente également l’usage de bombes à sous-munition.
En décembre 2015, c’est le bombardement, apparemment intentionnel, d’écoles par les troupes de l’alliance conduite par l’Arabie saoudite qui a été mis en évidence.
Livraisons d’armes à l’État Islamique
Le rapport «Taking Stock: The Arming of Islamic State» publié en décembre 2015 montre que les combattants de l’EI utilisent des armes produites dans plus de deux douzaines de pays, notamment en Russie, en Chine, aux USA et dans des États de l’Union européenne.
Selon les recherches menées, de très nombreuses armes se sont retrouvées dans les mains de l’EI après avoir transité par le Qatar, notamment des missiles anti-aériens portables (MANPADS) de fabrication chinoise et des fusils d’assaut de fabrication belge, que le Qatar a fait parvenir aux rebelles syriens via la Turquie.
En 2011, le Conseil fédéral a temporairement suspendu les exportations d’armes vers le Qatar après que l’on ait trouvé, entre les mains de rebelles libyens, des munitions de la firme RUAG premièrement exportées vers le Qatar. Il serait particulièrement fâcheux que le Conseil fédéral autorise maintenant des exportations vers ce pays malgré les rapports faisant état de réexportations d’armes du Qatar vers «l’État Islamique».
Des véhicules blindés engagés contre les manifestants
Dans l’optique d’une vente possible de véhicules blindés de type Piranha, il faut rappeler que l’armée saoudienne a utilisé ce type de véhicules de la firme MOWAG, produits sous licence au Canada, pour réprimer les manifestations du printemps arabe au Bahreïn.
Amnesty International demande au Conseil fédéral de maintenir le moratorium sur les exportations de matériel de guerre au Proche-Orient aussi longtemps que les parties en conflit au Yémen, en Syrie et en Iraq sont susceptibles de commettre des crimes de guerre et de graves violations des droits humains.
Au vu de l’escalade de la violence dans la région et des mouvements migratoires qui en découlent, la levée du moratoire suisse sur les exportations de matériel de guerre au Proche-Orient serait un signe catastrophique donné à la communauté internationale.